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Travaux publics routiers en Seine-Maritime : le Conseil de la concurrence sanctionne 6 entreprises de BTP pour entente

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Le Conseil de la concurrence sanctionne 6 entreprises de BTP spécialisées dans la fourniture d'enrobés bitumineux pour un montant cumulé de 33,6 millions d'euros.

Saisi par le Ministre de l'économie, le Conseil a rendu le 15 décembre 2005 une décision, dans laquelle il sanctionne plusieurs entreprises de BTP pour s'être livrées à une entente complexe et continue, lors de la passation de divers marchés de travaux publics routiers en Seine-Maritime.

Entre 1991 et fin 1998, les sociétés, devenues depuis filiales des groupes Bouygues, Vinci et Eiffage, associées à quelques sociétés de moindre envergure, se sont réparti les tonnages d'enrobés à épandre sur les routes de 1ère et 2ème catégories du département.

Marché de la fourniture d'enrobés bitumineux en Seine-Maritime

Pour construire des routes, les entreprises de BTP utilisent des enrobés bitumineux, matériaux lourds, difficiles à transporter, et dont la fabrication, activité polluante, est soumise à autorisation administrative. Le coût de fabrication de ces enrobés représente environ 80 % du montant total des travaux routiers et leur coût de transport est estimé à environ 10 % de ce montant. Ainsi, les contraintes liées au transport réduisent l'étendue du marché pertinent des enrobés à une zone géographique de 40km environ autour de la centrale de production. Les installations susceptibles d'intervenir en Seine-Maritime sur les marchés concernés par les saisines, entre 1988 et 1998, étaient concentrées autour de Dieppe, Le Havre et Rouen.

Lors de la commission des pratiques, le Conseil a relevé que le département de Seine-Maritime était le premier département français en matière d'investissements routiers.

Répartition du marché

Le Conseil de la concurrence a établi que plusieurs entreprises de BTP - devenues aujourd'hui Colas, Eurovia, Gagneraud Construction, Le Foll Travaux publics, Appia, Buquet - se sont entendues sur une clé de répartition des tonnages d'enrobés bitumineux destinés aux routes de Seine-Maritime, pour l'exécution de l'ensemble des marchés de l'État et du Conseil général.

Les données chiffrées transmises par le Conseil général prouvent que cette clef de répartition, qui prévoyait la répartition des tonnages d'enrobés entre les membres de l'entente, le contrôle mutuel et régulier de l'application de ces quotas ainsi que des systèmes de compensation pour en garantir le respect, ont été appliqués de 1992 à 1998. Le Conseil a également prouvé l'existence d'échanges réguliers d'informations relatives aux prix antérieurement au dépôt des offres. Le système a pris fin au cours de l'année 1999.

Tromperie de l'acheteur public

Le Conseil a établi que la forme sous laquelle les entreprises répondaient aux appels d'offres publics avait un objet anticoncurrentiel. En effet, les entreprises concouraient systématiquement en groupements. Or, ces derniers n'avaient ni justification économique ni financière, et visaient à permettre une répartition souple des tonnages d'enrobés entre les entreprises parties à l'entente, selon la clé de répartition prédéterminée.

Le Conseil a démontré que diverses actions tendant à empêcher les concurrents de perturber l'entente ont été entreprises. Les instigateurs de l'entente ont ainsi financé des actions contentieuses menées par plusieurs prétendues associations de défense de l'environnement à l'encontre de la société Buquet, afin de l'empêcher de construire une centrale d'enrobés lui permettant de concourir, en concurrence avec les membres de l'entente, aux appels d'offres en Seine-Maritime. En raison de l'échec de ces actions, les entreprises membres de l'entente ont organisé une réunion en septembre 1997 afin d'intégrer la société Buquet dans la répartition générale des marchés. Cette dernière a concouru, par son comportement, à faire rompre l'entente en 1999.

Selon une jurisprudence constante, le Conseil estime que la tromperie délibérée et durable de l'acheteur public lors de la passation de divers appels d'offres est une pratique particulièrement grave.

Dommage à l'économie

Le Conseil estime que le dommage à l'économie découle de ce que la pratique a duré au moins huit années et que des prix nettement supérieurs à ceux résultant du libre jeu de la concurrence ont été appliqués durant toute cette période.

Selon une hypothèse basse du dommage à l'économie, il apparaît que le Conseil Général de Seine-Maritime a, au minimum, payé un surcoût d'environ 24,8 millions d'euros de 1992 à 1998 (162 MF), soit en moyenne un surcoût annuel de 3,54 millions d'euros. Par ailleurs, selon deux rapports établis sur commission rogatoire par le SRPJ (section financière) de Rouen en 2002 et par la DGCCRF en 2004, le préjudice économique pour la période 1988 - 1998 a été évalué, pour les seuls marchés publics du Conseil général, de 350 à 400 millions de francs. Ainsi, lorsque le système a pris fin en 1999, le coût moyen de la tonne d'enrobé a chuté de 30 %.

Les sanctions infligées par le Conseil

  • société Colas Ile de France Normandie : 21 000 000 euros
  • société Eurovia Haute Normandie : 2 800 000 euros
  • société Gagneraud Construction : 6 500 000 euros
  • société Le Foll Travaux publics : 2 900 000 euros
  • société Appia Haute Normandie : 400 000 euros
  • société d'exploitation Buquet : 60 000 euros

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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