Le Conseil de la concurrence sanctionne pour ententes, à hauteur de 45,4 millions d'euros, 13 sociétés exploitant des marques de parfums et cosmétiques de luxe ainsi que 3 chaînes nationales de distribution

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Le Conseil de la concurrence, qui s’est auto-saisi dans cette affaire, vient de rendre une décision, par laquelle il sanctionne 13 sociétés exploitant des marques de parfums et cosmétiques de luxe pour s’être entendues avec leurs distributeurs sur les prix de vente au consommateur. Il a, pour les mêmes faits, prononcé des amendes à l’encontre de trois chaînes nationales de distribution.

Chacune de ces marques s’était entendue avec ses distributeurs pour que chaque produit soit vendu au détail à un prix unique, supprimant de ce fait toute possibilité de faire jouer la concurrence entre les points de vente de ce produit.

Le montant total des amendes s’élève à 45,4 millions d’euros et se décompose comme suit :

Fournisseurs :
 

  • Beauté Prestige International (Jean-Paul Gaultier et Issey Miyake) : 810 000 euros
  • Chanel : 3 millions d’euros
  • Parfums Christian Dior : 2,2 millions d’euros
  • Comptoir nouveau de la parfumerie (Hermès) : 410 000 euros
  • ELCO (Clinique et Estée Lauder) : 1,6 million d’euros
  • Parfums Givenchy : 550 000 euros
  • Guerlain : 1,7 million d’euros
  • Kenzo Parfums : 600 000 euros
  • L’Oréal Produits de luxe France : 4,1 millions d’euros
  • Pacific Création Parfums (Lolita Lempicka) : 90 000 euros
  • Shiseido France : 340 000 euros
  • Thierry Mugler Parfums : 640 000 euros
  • Yves Saint-Laurent Parfums : 1,8 million d’euros

Distributeurs :
 

  • Marionnaud : 12,8 millions d’euros
  • Nocibé : 5,4 millions d’euros
  • Séphora : 9,4 millions d’euros

La mise en place d’ententes verticales sur les prix

Entre les années 1997 et 2000, les entreprises exploitant des marques de parfums et cosmétiques de luxe précitées se sont entendues avec les distributeurs de leur réseau, et notamment les chaînes nationales Marionnaud, Nocibé et Séphora, pour faire cesser pour chaque produit de la marque, toute concurrence entre les revendeurs au détail de ces produits.

Chaque fournisseur de parfums ou de cosmétiques fixait à ses distributeurs le « prix public indicatif », ainsi que le taux de remise maximum qu’ils étaient autorisés à pratiquer, de façon à uniformiser vers le haut les prix de détail des produits offerts à la vente.

Chaque entente organisée par le fournisseur s’est accompagnée de la mise en place d’une "police des prix" consistant en des contrôles des prix pratiqués, des pressions et des menaces de représailles commerciales à l’égard des distributeurs qui refusaient d’appliquer les prix imposés par la marque et voulaient faire jouer la concurrence en vendant à des prix plus bas.

Les relevés de prix pratiqués au cours de l’enquête ont permis de constater l’efficacité de l’entente : les prix appliqués ont significativement respecté les prix convenus au sein des ententes.

La défense de l’image de la marque ne peut justifier les restrictions apportées au principe de la libre fixation des prix

La jurisprudence tant nationale qu’européenne autorise les marques dont l’image est associée au luxe à contrôler étroitement la situation des points de vente qui distribuent la marque et à vérifier la qualité de la présentation de leurs produits de façon à assurer leur mise en valeur : c’est la distribution sélective, qui conduit à un choix rigoureux des points de vente de la marque.

Mais cette même jurisprudence n’autorise pas les marques à entraver la liberté que conserve chaque distributeur ainsi sélectionné de fixer son taux de marge et donc son prix au détail. En effet, cette liberté bénéficie au consommateur final car elle lui permet de faire jouer la concurrence entre les points de vente d’une même marque et d’obtenir de meilleurs prix.

C’est en vain que les marques poursuivies ont fait valoir que cette uniformisation des prix de détail à un niveau élevé faisait partie de la défense de « l’image de luxe » de leur produits. En réalité, cette absence de concurrence, organisée par l’entente entre le producteur et ses distributeurs, permet à tous d’augmenter puis de se partager le surplus obtenu au détriment du consommateur.

Ces pratiques sont contraires aux articles 81 du traité CE et L. 420-1 du code de commerce.

Le Conseil a déjà sanctionné à de nombreuses reprises des pratiques de prix "indicatifs" fonctionnant comme des prix imposés (03-D-45, calculatrices à usage scolaire / 05-D-07, Winchester, secteur des armes et munitions / 05-D-66, TVHA, secteur de l’électronique grand public / 05-D-70, cassettes vidéo pour enfants Disney), mais aussi l’octroi de remises conditionnées au respect des prix du fabricant (05-D-32, Royal Canin) ou encore les clauses relatives à la publicité de marques de luxe, dès lors qu’elles sont utilisées pour dissuader les distributeurs de faire porter leurs campagnes publicitaires sur les prix (96-D-72, Rolex / 01-D-45, Ray Ban).

Gravité des pratiques et dommage à l’économie

Les pratiques ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché sont constitutives de "restrictions caractérisées" de concurrence au regard des lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000 relatives aux restrictions verticales. Même sans revêtir le caractère de gravité exceptionnelle que celui des ententes horizontales entre concurrents (les cartels), elles sont graves par nature car elles ont pour conséquence de confisquer au profit des auteurs de l’infraction le bénéfice que le consommateur est en droit d’attendre de la concurrence entre les revendeurs des produits d’une même marque.

Pour apprécier l’importance du dommage à l’économie causé par les pratiques, le Conseil a pris en compte la durée des pratiques (années 97 à 2000) et la taille du marché affecté (814,5 millions d’euros pour les marques qui ont fait l’objet de sanctions).

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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