Transports

L’Autorité sanctionne plusieurs acteurs du secteur des transports routiers de marchandises pour des pratiques de boycott dirigées contre les plateformes numériques d’intermédiation

transports

L'essentiel

L’Autorité a ouvert une enquête à la suite d’une saisine du ministère de l’économie et des finances (DGCCRF), suivie par des opérations de visite et saisie en 2018. L’Autorité de la concurrence sanctionne aujourd’hui plusieurs acteurs du transport routier de marchandises (bourse de fret, groupements de transporteurs, organisations syndicales) pour avoir, entre fin juillet 2016 et fin février 2018, entravé l’arrivée et le développement de nouveaux acteurs du numérique proposant des services en lien avec la réalisation ou l’optimisation de la gestion des transports.

Le montant cumulé des sanctions infligées est de 500 000 euros. Les acteurs sanctionnés s’étaient entendus pour boycotter et appeler leurs adhérents au boycott des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et des logiciels pouvant permettre d’optimiser la réalisation des opérations de transport (traçabilité). Les nouvelles plateformes numériques permettaient de mettre  directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs, au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate. Les logiciels de traçabilité permettaient pour leur part de suivre et gérer des flottes auprès des chargeurs et transporteurs, sans intervenir dans leurs relations commerciales.  

Les acteurs du secteur du transport routier de marchandises

A côté des acteurs traditionnels des transports (transporteurs, commissionnaires de transport1 et bourses de fret2), de nouveaux acteurs, les plateformes numériques d’intermédiation, sont apparus en France en 2016. Ces plateformes visent à mettre directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate. Les trois principales plateformes d’intermédiation actives en France, au moment des pratiques, étaient Chronotruck, Fretlink et Everoad.

Au même moment, le secteur a aussi vu l’arrivée de nouveaux acteurs, comme Shippeo, éditant des logiciels de traçabilité. Ces opérateurs proposent des solutions technologiques permettant le suivi et la  gestion de flottes de camions, sans intervenir dans les relations commerciales.
 

Les acteurs mis en cause se sont entendus pour mettre en place une stratégie de blocage du développement des plateformes numériques

La bourse de fret B2Pweb, et sa maison mère H2P, les groupements de transporteurs Evolutrans, Astre, Flo, Tred Union et ASTR, ainsi que les syndicats UNOSTRA et, plus tardivement OTRE, ont d’abord décidé d’une stratégie commune visant à bloquer l’entrée et le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et du logiciel de traçabilité Shippeo. Ces échanges sur le « Lobbying anti-plateformes » ont notamment eu lieu lors de conseils de gouvernance de H2P ou lors d’échanges bilatéraux avec le président de H2P.

Chacun des groupements et syndicats professionnels ont ensuite transmis à leurs adhérents respectifs les consignes décidées. Des publications ont également eu lieu sur les sites internet ou intranet respectifs de ces groupements et syndicats ainsi que sur le site de la bourse de fret B2Pweb accessible à ses 10 000 membres. Ces communications visaient  à alerter les adhérents de ces groupements et syndicats sur les « dangers » allégués résultant de l’utilisation de ces plateformes et logiciels pour la profession et à les appeler à ne pas collaborer avec ces nouveaux acteurs du numérique.

A titre d'exemple

Ces documents contenaient des affirmations comme : « LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS ». 

Un éditorial sur le site Internet de l’OTRE précisait « L’OTRE s’oppose avec énergie et détermination à ces plateformes » et « appelle tous les professionnels à ne pas collaborer avec elles, à refuser explicitement leurs propositions commerciales. »

Le groupement Tred Union est même allé jusqu’à diffuser une liste des plateformes avec lesquelles ses adhérents avaient interdiction de travailler.

L’ensemble des parties ont aussi discuté de la riposte à organiser vis-à-vis du logiciel Shippeo. Les groupements Astre, Flo, Tred Union et Evolutrans ont invité leurs adhérents à résister aux demandes de leurs clients concernant l’utilisation du logiciel Shippeo, et à favoriser l’utilisation du produit Gedmouv commercialisé par B2Pweb.
 

Des appels au boycott qui ont pu limiter les gains économiques, logistiques et environnementaux associés aux plateformes numériques

Ces actions de boycott et d’appels au boycott dirigés contre les plateformes numériques d’intermédiation et le logiciel de traçabilité Shippeo étaient destinées à entraver leur développement dans le secteur du transport routier de marchandises, et ont ainsi limité la concurrence et l’innovation.

Ces pratiques sont graves, d’autant plus qu’elles concernent un secteur en profonde évolution, marqué par l’émergence des nouvelles technologies informatiques et numériques, qui permettent notamment de proposer des services d’optimisation de la gestion du transport, à la fois pour les chargeurs et les transporteurs 

Elles ont également causé un dommage à l’économie en limitant les gains d’efficacité associés au développement des plateformes numériques d’intermédiation et logiciels de traçabilité : ces gains portent ainsi sur la plus grande mise en concurrence des transporteurs, des taux de commission inférieurs perçus par ces plateformes ou encore la réduction des « retours à vide » des transporteurs, qui sont source de coûts logistiques mais aussi environnementaux.

Néanmoins, le dommage à l’économie demeure contenu. En effet, les nouveaux acteurs du numérique du secteur du transport routier de marchandises ont malgré tout connu une croissance marquée pendant la période des pratiques et malgré les actions de boycott et appels au boycott.

Au regard de ces éléments et du rôle particulier et déterminant joué par H2P et B2Pweb dans la mise en œuvre des pratiques en cause, ainsi que de la capacité d’influence de l’UNOSTRA et l’OTRE dans le secteur, l’Autorité de la concurrence a prononcé les sanctions suivantes :

Entreprise ou organisme Sanction (€)
Bourse Premium Professionnel, solidairement avec la société Holding Premium Professionnel 350 000
Evolutrans 27 000
Association des Transporteurs Européens 50 000
France Lots Organisation 25 000
Tred Union 28 000
Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers 9 000
Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers 1 000
Organisation des Transporteurs Routiers Européens 10 000
Total 500 000

1Les commissionnaires de transport organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises pour le compte de leur client.

2Les bourses de fret sont essentiellement des interfaces mettant en relation des chargeurs et/ou commissionnaires de transport avec des transporteurs via des places de marché en ligne.

 

encart conformité

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
Imprimer la page