L'Autorité publie un avis concernant les réserves interprofessionnelles dans le secteur des vins

Vins

Réserves interprofessionnelles dans le secteur des vins : l’Autorité de la concurrence considère que les interprofessions peuvent prévoir un principe de tunnel de prix à condition toutefois que les bornes minimales et maximales du prix soient déterminées librement par chaque opérateur contractant

L’essentiel

L’Autorité de la concurrence a été saisie pour avis par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la mise en place, par les interprofessions vitivinicoles, d’un encadrement du prix des réserves interprofessionnelles.

Alors que les interprofessions vitivinicoles peuvent mettre en place des mesures de régulation du marché comme la mise en réserve d’une partie des récoltes, ces dernières souhaitent également encadrer, à leur niveau collectif, le prix de la réserve lors de la libération de celle-ci, afin notamment d’éviter une fluctuation trop importante entre le prix du volume principal et celui du volume mis en réserve.

L’Autorité considère que, même si le secteur agricole bénéficie de certaines règles dérogatoires au droit de la concurrence, la mesure d’encadrement du prix des réserves interprofessionnelles envisagée ne rentre pas dans ces dérogations et, mise en œuvre par un organisme collectif qui fixerait de manière uniforme pour tous les opérateurs le taux de fluctuation des prix, elle est susceptible de constituer une entente sur les prix contraire au droit de la concurrence.

L’Autorité précise toutefois que les interprofessions peuvent insérer dans leur accord interprofessionnel, un « tunnel de prix », à savoir une disposition permettant aux opérateurs de prévoir dans leurs contrats des bornes minimales ou maximales entre lesquelles le prix de la réserve pourrait fluctuer. Mais ces bornes doivent être librement déterminées et convenues par chaque opérateur contractant, à l’exclusion de toute fixation en commun, et ainsi, sans que l’interprofession intervienne pour en déterminer le niveau.

En outre conformément aux dispositions de la loi EGAlim 2, l’Autorité relève que le Gouvernement pourrait aussi, par décret, imposer aux parties de prévoir dans leurs contrats une clause-type prévoyant un tunnel de prix, les bornes de celui-ci étant toujours librement fixées par les parties.

Les compétences des interprofessions vitivinicoles

Il existe en France, dans le secteur vitivinicole, 24 organisations interprofessionnelles réunies au sein du Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV).

Ces interprofessions vitivinicoles sont en charge, outre de missions de représentation et de promotion des produits et vignobles concernés, de missions de prospective et d’observatoire économique.

Afin de mener à bien ces différentes missions, les interprofessions adoptent des accords interprofessionnels qui ont vocation à fixer leurs règles de fonctionnement et de financement et à encadrer leurs actions et celles de leurs membres. Sous conditions, elles peuvent demander que ces accords soient étendus à l’ensemble des opérateurs du secteur pour une durée déterminée. Elles peuvent notamment prendre des mesures de régulation du marché, telles que la mise en réserve d’une partie de la production, qui après approbation par arrêté ministériel, sont rendues obligatoires.

Ces mesures de mise en réserve ont pour objectif de limiter les fluctuations du marché. En effet, le secteur vinicole se caractérise, notamment en raison des aléas climatiques, par une certaine fluctuation des volumes et de la qualité des récoltes d’une année à l’autre. Il fait face, en outre, depuis plusieurs années à une décroissance de la demande. Dans ce contexte, les opérateurs cherchent à se prémunir contre ces aléas en décidant de mettre en réserve une partie de la récolte de raisins lorsque le volume de celle-ci est élevé et à libérer des volumes mis en réserve lorsqu’une récolte est plus faible qu’anticipée.

La demande d’avis concernant l’encadrement du prix des réserves interprofessionnelles

La demande d’avis porte sur la mise en place, par les interprofessions, d’un encadrement  du prix des réserves interprofessionnelles. Ces dernières envisageraient de prévoir, dans leur accord interprofessionnel, que le prix de la réserve au moment de sa libération ne puisse pas fluctuer
au-delà et en dessous d’un certain niveau par rapport au prix du volume principal. Ce dernier resterait en revanche librement fixé par les parties à la transaction.

Chaque opérateur doit pouvoir fixer librement ses prix

L’Autorité rappelle que la régulation économique du secteur agricole est spécifique en ce que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) prévoit expressément une limitation de l’application des règles de concurrence à ce secteur. Toutefois, le règlement européen portant organisation commune des marchés agricoles ne permet pas aux interprofessions de fixer des prix.

Par ailleurs, au niveau national, les dispositions de la loi EGAlim 2 relatives à la possibilité, pour les parties, de convenir d’une clause-type fixant le principe de bornes de prix minimales et maximales, ainsi que la faculté de rendre obligatoire la référence à une telle clause pour un ou plusieurs produits agricoles, ne permettent pas la fixation collective de ces bornes. Elles doivent être librement fixées par les parties au contrat.

En outre, les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE relatifs aux ententes interdisent la fixation collective de prix.

Dès lors, la règlementation spécifique au secteur agricole ne permettant pas de déroger à la prohibition générale des ententes sur les prix, l’Autorité considère que la mesure envisagée serait susceptible de contrevenir aux règles actuelles et qu’il est peu probable qu’une telle mesure  pourrait bénéficier d’une exemption.

Toutefois, l’Autorité étant favorable au développement de la contractualisation dans le secteur agricole afin de permettre de limiter la volatilité des prix, elle relève que les interprofessions peuvent insérer, dans leur accord interprofessionnel, une disposition permettant aux opérateurs de prévoir dans leurs contrats des bornes minimales ou maximales entre lesquelles le prix de la réserve pourrait fluctuer. Mais ces bornes devraient être librement déterminées et convenues par chaque opérateur contractant, à l’exclusion de toute fixation en commun, et ainsi, sans que l’interprofession intervienne pour en déterminer le niveau.

Enfin, l’Autorité souligne que, conformément aux dispositions de la loi EGAlim 2, le Gouvernement pourrait aussi, par décret, imposer aux parties de prévoir dans leurs contrats une clause-type prévoyant un tunnel de prix, les bornes de celui-ci étant toujours librement fixées par les parties.

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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