L’Autorité éclaire une association professionnelle sur ses possibilités d’action concernant les loyers de ses adhérents dans le cadre de la pandémie actuelle de COVID-19

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L'essentiel

Une association professionnelle représentant des opticiens (le Rassemblement des Opticiens de France, ci-après « ROF ») a sollicité l’Autorité car elle souhaitait intervenir au soutien de ses membres - des opticiens ayant cessé leur activité du fait de la crise sanitaire - dans leurs échanges avec les sociétés foncières concernant les loyers commerciaux. L’Autorité confirme que les modalités de l’intervention envisagée ne semblent pas contraires au droit de la concurrence.

Les consultations informelles des autorités de concurrence dans le contexte de crise sanitaire

Compte tenu de la crise exceptionnelle liée à la pandémie du Covid-19, les autorités de concurrence de l’Union européenne ont indiqué qu'elles pouvaient éclairer les entreprises de façon informelle sur la compatibilité des comportements de coopération envisagés pour répondre à cette crise1 avec le droit de la concurrence.

L’Autorité de la concurrence a, à cet égard, mis en place un réseau dédié au suivi de la crise Covid-19, qui s’attache notamment à apporter des réponses informelles et pragmatiques aux   demandes présentées par les entreprises qui souhaitent sécuriser leurs initiatives2.

La Commission européenne3 a pour sa part publié un document cadre temporaire qui donne des éléments d’appréciation sur ce que peuvent être des accords entre concurrents conformes aux règles de concurrence, compte tenu de la situation actuelle de pandémie.

Une organisation professionnelle a sollicité l’Autorité sur une initiative concernant l’aménagement des loyers commerciaux

Le ROF a sollicité, dans ce cadre, l’Autorité au sujet d’une initiative visant à envoyer un courrier à un certain nombre de bailleurs aux fins de solliciter un aménagement des loyers commerciaux de ses adhérents.

Une telle démarche n’entre pas dans le champ du document cadre publié par la Commission, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une coopération destinée à « garantir la fourniture et la distribution en suffisance de produits et de services essentiels dont la disponibilité est limitée pendant la pandémie de COVID-19 et, de la sorte, remédier à la pénurie de ces produits et services essentiels résultant, d’abord et avant tout, de la croissance rapide et exponentielle de la demande4 ».

L’Autorité est toutefois prête à répondre à des demandes d’éclaircissements dans la période actuelle.

La démarche envisagée relève du champ des actions mises en œuvre par les associations professionnelles pour défendre les intérêts de leurs membres. L’Autorité rappelle qu’elle publiera en 2020 une étude transversale sur l’application du droit de la concurrence aux actions des syndicats et organismes professionnels5. Selon une pratique décisionnelle constante du Conseil puis de l’Autorité de la concurrence, il est loisible à un syndicat professionnel de diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l'exercice de leur activité6. Il importe toutefois de distinguer entre :

  • les comportements qui relèvent  de la défense des intérêts professionnels des membres de l’organisation, sans constituer une intervention sur un marché et
     
  • ceux qui, parce qu’ils invitent des opérateurs économiques à adopter telle ou telle attitude sur le marché, en particulier sous la forme de mises en garde ou de consignes, constituent une intervention sur un marché. Une telle intervention peut en effet, dans certaines hypothèses, constituer une infraction au droit de la concurrence, qui peut donner lieu à sanction le cas échéant7.

La démarche envisagée reste dans le champ des missions de l’organisation professionnelle et ne semble pas poser de problème de concurrence

A ce titre, le comportement consistant, pour une organisation professionnelle, à apporter des conseils, de manière générale, à ses membres, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, sur l’application de dispositions prises par les pouvoirs publics ou sur l’interprétation de contrats existants et à exprimer sa position par écrit entre, à première vue, dans le cadre de la mission d’information, de conseil et de défense des intérêts professionnels dont elle a la charge.

L’Autorité relève que le ROF a indiqué ne prodiguer que des recommandations générales et exposer des arguments juridiques et factuels au soutien des demandes de ses adhérents. Le ROF a par ailleurs précisé qu’il ne déterminerait pas le comportement que ses adhérents devraient adopter. Enfin, son action vise à prévenir les risques de défaillances d’entreprises en raison de la fermeture prolongée des différents points de vente ; elle ne semble pas, en l’espèce, permettre une coordination sensible des coûts des acteurs concernés. Au vu de ces éléments, la démarche envisagée, telle qu’elle a été décrite à l’Autorité, n’est pas de nature à être considérée comme une intervention anticoncurrentielle sur le marché.

Une telle analyse repose sur les éléments factuels communiqués à ce stade à l’Autorité et est limitée au seul comportement que l’association concernée a déclaré envisager. Elle ne pourrait en tout état de cause concerner ni des échanges sur les prix  ni des échanges directs ou indirects d’informations sensibles entre adhérents, telles que les conditions applicables concrètement à leurs contrats respectifs.

L’Autorité reste disponible pour conseiller informellement les entreprises et organismes professionnels

De manière plus générale, les modalités d’intervention d’une organisation professionnelle, de même que ses conséquences concrètes pour le fonctionnement de la concurrence, pouvant être très différentes d’un marché à l’autre, l’Autorité de la concurrence rappelle qu’elle est prête à sécuriser les initiatives vertueuses et à fournir aussi rapidement que possible des conseils informels sur la compatibilité avec le droit de la concurrence d’un projet de coopération qui lui serait présenté.

En aucun cas, les comportements qui viseraient à exploiter la crise actuelle pour adopter des comportements anticoncurrentiels ne seront tolérés par l’Autorité.

 

1Antitrust: Joint statement by the European Competition Network (ECN) on application of competition law during the Corona crisis. Cette annonce a été relayée le jour même par l’Autorité de la concurrence.

2https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/page-riche/covid-19.

3Cadre temporaire pour l’appréciation des pratiques anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre des entreprises pour réagir aux situations d’urgence découlant de la pandémie actuelle de COVID-19

4Ibid, § 4.

5https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/node/5708

6Décision n° 05-D-33 du 27 juin 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par l'Ilec, § 30.

7Décision n°10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, § 53.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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