L’Autorité de la concurrence rend son avis sur la situation concurrentielle du marché de l’entremise immobilière

Immobilier

L’essentiel

L’Autorité de la concurrence (ci-après « Autorité ») a été saisie par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’une demande d’avis concernant le fonctionnement du marché français de l’entremise immobilière.

Dans cet avis qui s’attache à analyser le marché de l’entremise immobilière en France métropolitaine, l’Autorité constate que la loi Hoguet du 2 janvier 1970 qui encadre le métier de professionnel de l’entremise immobilière pourrait, en raison de l’évolution du secteur, être clarifiée et assouplie.

L’Autorité relève que cette loi constitue un frein à  une offre de services innovants ou à une baisse des taux de commission qui sont en moyenne de 5,78% TTC en 2022, bien au-dessus de la moyenne de l’Union européenne (environ 4% TTC). Elle estime que si les taux de commission des professionnels de l’entremise en France étaient ramenés à la moyenne européenne, un gain annuel de près de 3 milliards d’euros pourrait être dégagé au bénéfice des ménages. L’Autorité constate par ailleurs, que la loi Hoguet n’est plus en adéquation avec les pratiques actuelles puisqu’aujourd’hui de nouveaux acteurs non soumis à cette disposition proposent des services similaires à des services d’entremise immobilière, sans que le nombre de litiges ou de contentieux ait particulièrement augmenté.

Par conséquent, l’Autorité émet des recommandations au gouvernement.

Le cadre et le champ de la saisine

L’entremise immobilière constitue une sous-catégorie de l’intermédiation immobilière, qui regroupe à la fois les activités d’entremise et de gestion immobilière. L’Autorité ayant été saisie uniquement sur le fonctionnement du marché français de l’entremise en matière de vente de biens à usage d’habitation (ci-après « entremise immobilière »), l’avis ne traite que de ce point et n’aborde pas les autres activités d’intermédiation, notamment la vente de fonds de commerce, la location ou encore la gestion immobilière. 

De plus, l’avis s’attache à analyser le marché de l’entremise immobilière en France métropolitaine.

Les constats de l’Autorité concernant le marché de l’entremise immobilière

Le rôle du professionnel de l’entremise immobilière est de faire se rencontrer l’offre et la demande de biens immobiliers sur le marché et de réduire l’asymétrie d’information existant entre le vendeur et l’acheteur. Il réalise un ensemble de prestations destinées à concrétiser la vente ou l’achat d’un bien immobilier.

Les forts enjeux financiers liés à l’acquisition d’un bien immobilier et les conséquences de cet achat sur la vie des ménages font de l’entremise immobilière un marché particulier et fortement réglementé.

Dès 1960, le législateur français a instauré un principe d’autorisation préalable à l’exercice de la profession ainsi qu’une interdiction de percevoir une quelconque rémunération avant la réalisation effective de la vente. Ce cadre légal et règlementaire, fixé aujourd’hui par la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, avait pour objectif de professionnaliser les acteurs de l’entremise immobilière, de restaurer la confiance des ménages à leur égard et de protéger ces derniers dans ce qui représente l’une des transactions les plus importantes de leur vie.

53 ans après l’entrée en vigueur de ce dispositif, l’Autorité considère toutefois qu’il pourrait être clarifié mais aussi assoupli, à la lumière notamment d’une série d’évolutions.

En effet, l’essor du numérique et la politique d’open data mise en œuvre par les pouvoirs publics ont contribué à réduire l’asymétrie d’information existant entre le professionnel de l’entremise et ses clients concernant notamment la valeur des biens et l’état du marché. De plus, le droit de la consommation, qui a connu des évolutions notables en faveur de la protection économique des consommateurs, et le rôle obligatoire d’authentification de la vente du notaire assurent un niveau de sécurité élevé lors de la transaction.

En outre,  le dispositif spécial mis en place par loi Hoguet n’a pas empêché l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché sans que le nombre de litiges ou de contentieux ait particulièrement augmenté ou sans que ceux-ci aient plus particulièrement concerné ces acteurs. En particulier, aujourd’hui, seul  un professionnel de l’entremise immobilière sur cinq est titulaire de la carte professionnelle.

Immo

En revanche, pour certains acteurs, la loi Hoguet pourrait constituer un frein à une offre de services innovants ou à une baisse des taux de commission, qui sont en moyenne de 5,78% TTC en 2022, bien au-dessus de la moyenne de l’Union européenne, d’environ 4% TTC.

En outre, certains opérateurs proposent aux particuliers des services d’aide à la vente directe, dits « coaching immobilier », prestations qui présentent de fortes similitudes avec celles qui sont constitutives d’entremise immobilière, mais ne sont pour autant pas soumises au principe de la rémunération au résultat imposé par la loi Hoguet. Les particuliers paient ces prestations avant la réalisation effective de la vente, ce qui est susceptible de constituer un avantage concurrentiel pour ces acteurs.

Les recommandations formulées par l’Autorité

À la lumière de ces constatations, l’Autorité recommande au gouvernement d’envisager une réforme visant, d’une part, à renforcer la protection économique des consommateurs et, d’autre part, à assouplir les conditions d’exercice de l’activité d’entremise immobilière.

Ces recommandations visent à améliorer la qualité des prestations de l’entremise immobilière et à en réduire le coût, dans un contexte de forte augmentation des taux d’intérêt et des enjeux de rénovation énergétique. L’Autorité estime que si les taux de commission des professionnels de l’entremise en France étaient ramenés à la moyenne de la zone de l’Union européenne, un gain annuel de près de 3 milliards d’euros pourrait être dégagé au bénéfice des ménages.

Dans un contexte où les taux d’intérêt connaissent une forte augmentation et où l’offre de biens immobiliers est de plus en plus orientée vers une démarche de développement durable (performance énergétique, lutte contre les gaz à effet de serre), un renforcement de la protection économique des consommateurs conjuguée à un assouplissement des conditions dans lesquelles les professionnels proposent leurs services contribuerait à soutenir le pouvoir d’achat et l’accès au logement.

Pour la première fois, l’Autorité traduit juridiquement ses recommandations en propositions de modifications législatives et règlementaires. Elles figurent en annexe de l’avis.

Recommandations

Outre des recommandations générales visant à accroître la protection économique des consommateurs, l’Autorité propose deux options d’assouplissement de la loi Hoguet.

•    Les recommandations générales applicables quelle que soit l’option retenue et visant à accroître la protection économique des consommateurs

Recommandation n°1 : Instaurer une obligation de dresser dans le mandat une liste exhaustive des prestations rendues par le professionnel afin que le client puisse détenir une information complète pour négocier les honoraires.

Recommandation n°2 : Uniformiser les règles relatives à l’affichage des annonces, que le paiement des honoraires incombe à l’acheteur ou au vendeur afin d’améliorer la lisibilité de l’information et de limiter les effets de report des honoraires du vendeur vers l’acheteur.

Recommandation n°3 : Soumettre les plateformes de diffusion en ligne des annonces immobilières aux obligations d’affichage prévues par l’arrêté de 2017 relatif à l'information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière.

Recommandation n°4 : Imposer l’élaboration d’une fiche récapitulative du dossier de diagnostic technique pour faciliter son intelligibilité et sa lisibilité.

Recommandation n°5 : Mettre à la disposition du public à titre gratuit les données immobilières détenues par les notaires sur les prix de vente des biens immobiliers et les commissions perçues par les professionnels de l’entremise immobilière. La base de données des valeurs foncières (dite base DVF) mise à disposition du public à titre gratuit comporte des biais. En effet, le prix de vente du bien indiqué dans la base correspond à la base taxable au titre des droits de mutations et inclut donc le montant des honoraires quand ceux-ci sont payés par le vendeur. Cela est de nature à augmenter artificiellement le prix de vente du bien et limite l’intérêt de cette base de données pour les particuliers et les professionnels qui l’utilisent essentiellement pour estimer le prix des biens. L’Autorité recommande de mettre à la disposition du public à titre gratuit les données détenues par le Conseil supérieur du notariat relatives aux caractéristiques des biens immobiliers, à leurs prix de vente et aux commissions perçues par les professionnels de l’entremise.

Recommandation n°6 : Supprimer l’interdiction faite aux notaires négociateurs d’afficher les annonces immobilières dans les vitrines de leur office notarial.

•    Les deux options d’assouplissement de la loi Hoguet

Une première option vise à assouplir les conditions dans lesquelles les professionnels de l’entremise immobilière proposent leurs services. Cette option est assortie de deux recommandations :  l’exclusion du champ d’application de la loi Hoguet de l’activité d’entremise immobilière en matière de vente de biens immobiliers et  l’insertion d’une disposition dans le code de la consommation prévoyant une obligation de justifier d’une garantie financière en cas de maniement de fonds.

Une seconde option s’attache principalement à  clarifier le périmètre de la loi Hoguet et  simplifier les conditions d’accès à la profession.


•    S’agissant de la clarification du périmètre de la loi Hoguet, l’Autorité propose, d’une part, de définir précisément les prestations qui relèvent de la qualification d’entremise immobilière et, d’autre part, de préciser celles qui n’en relèvent pas, sans toutefois que cette liste soit exhaustive. Selon l’Autorité, l’entremise immobilière consiste en la sélection de clients et la négociation du prix de vente. Ainsi, les prestations non constitutives d’entremise immobilière ne seront pas soumises au principe de la rémunération au résultat fixé à l’article 6 de la loi Hoguet.


Le schéma ci-dessous illustre les conséquences concrètes de ces recommandations :

Schéma
 
•    S’agissant de la simplification des conditions d’accès à la profession, l’Autorité recommande, d’une part, de ne pas conditionner l’obtention de la carte professionnelle à la détention de trois années d’études supérieures au baccalauréat dans une spécialité économique, juridique ou commerciale et, d’autre part, d’assouplir et d’harmoniser la durée de l’expérience professionnelle mentionnée à l’article 14 du décret n°72-678 de juillet 1972 et de la fixer à 4 ans, quel que soit le statut du professionnel concerné (cadre, emploi subordonné ou personne habilitée par un titulaire de carte).
Par ailleurs, les professions libérales, non soumises à la loi Hoguet mais autorisées à réaliser des activités d’entremise immobilière devront également être soumises au principe de la rémunération au résultat (avocats, experts fonciers et agricoles, experts forestiers, géomètres-experts et notaires).

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Virginie Guin
Virginie Guin
Directrice de la communication
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