Télécoms

L'Autorité de la concurrence est favorable à la mise en place d'un tarif social de l'Internet haut débit. Elle publie des recommandations sur le projet de label du gouvernement

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L’Autorité de la concurrence a rendu un avis au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, à la suite d’une demande d’avis concernant la mise en place d’un tarif social d’accès à l’Internet haut débit dont elle a été saisie le 8 mars 2011.


Le projet gouvernemental vise à développer un tarif social d’accès à Internet haut débit afin de lutter contre la fracture numérique touchant les foyers les plus modestes. Dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs1, le gouvernement propose de mettre en place ce tarif social à travers un dispositif de labellisation. Cette solution consiste à labelliser des offres des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dont le prix serait inférieur à un certain plafond, pour un ensemble de services donnés. Tous les opérateurs seraient susceptibles d’obtenir ce label, après avoir conclu des conventions avec l’Etat.
 

La nécessité d’établir un diagnostic de la fracture numérique

 
A titre liminaire, l’Autorité insiste sur la nécessité d’établir un diagnostic portant sur la fracture numérique. Celle-ci ne se limite pas à la seule question des personnes à faible revenu, mais se double d’inégalités générationnelle et culturelle. D’un point de vue géographique, ces inégalités touchent tout particulièrement les habitants des départements d’outre-mer.

La lutte contre la fracture numérique pose autant la question de l’éducation que celle du prix des services et surtout des équipements et de l’égal accès à ces services sur le territoire. Parallèlement à la mise en place d’un tarif social, des mesures visant à promouvoir les espaces publics numériques et le développement d’offres à destination des bailleurs sociaux sont des pistes qui peuvent être explorées afin de résorber ces inégalités.
 

La mise en place d’un tarif social de l’accès Internet haut débit est compatible avec le droit de la concurrence

 

Les mécanismes sociaux à destination des plus fragiles peuvent toujours être rendus compatibles avec le droit de la concurrence. L’intervention des pouvoirs publics est légitime, dès lors qu’elle vise à corriger une défaillance du marché et à remplir un objectif d’intérêt général. En l’espèce, les difficultés d’accès à Internet pour les ménages les plus modestes caractérisent une carence du marché : l’Etat est pleinement légitime pour y répondre. Quels que soient les modes d’attribution et de financement retenus, ceux-ci doivent introduire le moins de distorsions de concurrence possible.


L’extension du dispositif actuel de service universel constituerait une solution naturelle


Le service universel permet de subventionner des niveaux de prix abordables, que le marché ne permettrait pas spontanément d’atteindre. Le mécanisme de « pay or play », retenu en France, permet notamment de le faire financer par les acteurs du marché tout en donnant à chacun d’entre eux la possibilité de participer à la fourniture du service. Ce mécanisme permet ainsi de combiner les objectifs de cohésion sociale, de respect de la concurrence, d’efficacité économique et de limitation des dépenses publiques.

Dans les télécommunications, le service universel est aujourd’hui limité au service téléphonique. Il prévoit notamment un tarif social. Si l’inclusion de l’accès internet haut débit en tant que tel dans le champ du service universel n’est pas possible en l’état actuel des directives communautaires du « paquet télécom », le gouvernement pourrait en revanche, et dans un délai court, étendre l’éligibilité de la réduction sociale, actuellement réservée aux offres fournissant uniquement le service téléphonique, aux offres multiservices haut débit incluant ce service aux côtés de l’accès à Internet. Sous réserve de l’appréciation de la Commission européenne, une telle extension paraît compatible avec le cadre communautaire.
 

Une labellisation, sans subvention, des offres Internet haut débit à tarif social pour les bénéficiaires de minima sociaux, constitue une solution alternative à certaines conditions

Le gouvernement propose, de manière alternative, de procéder par labellisation d’offres des FAI répondant à certains critères, notamment de prix. Si la mise en place d’un label présente certains avantages, comme celui de faire financer les tarifs sociaux par le marché, elle soulève toutefois des risques concurrentiels, notamment celui d’un effet de ciseau tarifaire2, compte tenu de la position particulière de l’opérateur historique sur les marchés de gros et de détail du haut débit. La labellisation ne pourra être rendue compatible avec le droit de la concurrence que si les mécanismes mis en place permettent à l’ensemble des FAI de participer au dispositif de manière effective.

Le projet de loi renforçant les droits et la protection des consommateurs, adopté par le Conseil des ministres le 1er juin, prévoit que les projets de conventions entre l’Etat et les opérateurs pour la mise en œuvre du label sont préalablement soumis pour avis à l’Autorité de la concurrence. Plutôt qu’une notification préalable de ces projets, au fil de l’eau, l’Autorité préfèrerait donner un cadrage général dans lequel doivent être négociées ces conventions.

C’est la raison pour laquelle, l’Autorité publie, en annexe de son avis, des orientations relatives à la conduite d’un test de ciseau tarifaire. A partir de ces orientations et des éléments de coûts et de revenus recueillis sur le marché, le gouvernement, avec le cas échéant l’appui du régulateur sectoriel, sera ainsi en mesure d’examiner plus avant les niveaux de prix qui pourraient être compatibles avec les règles de concurrence et d’apprécier in fine leur caractère adapté au regard des objectifs de cohésion sociale poursuivis.

1Lien vers le projet de loi (site de l’Assemblée nationale) déposé le 1er juin 2011.

2Un ciseau tarifaire (ou « squeeze ») résulte de la structure des prix pratiqués par un opérateur verticalement intégré en position dominante sur le marché amont d’un bien intermédiaire auquel ses concurrents doivent avoir accès sur un (ou des) marché(s) aval(s) pour y exercer une concurrence effective. Ces tests de ciseau ne portent pas sur le niveau absolu des prix de l’entreprise dominante, mais sur l’écart entre les prix amont et aval qu’elle pratique : cet écart doit laisser un espace économique suffisant pour permettre à des concurrents efficaces d’opérer de manière viable en aval.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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