L’Autorité de la concurrence recommande que chaque entreprise garde toute liberté
dans le choix de son organisme d’assurance complémentaire santé.

 

Le 1er février 2013, l’Association pour la promotion de l’assurance collective (APAC)  a saisi l’Autorité de la concurrence d’une demande d’avis portant sur les effets au plan de l’exercice de la concurrence de la généralisation de la couverture complémentaire santé obligatoire prévue par l’accord national interprofessionnel signé entre des organisations patronales et syndicales le 11 janvier dernier, que s’apprête à transposer le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Dans son avis rendu aujourd’hui, l’Autorité de la concurrence émet plusieurs préconisations afin qu’une concurrence effective entre les différents acteurs du secteur de la protection complémentaire collective des frais de santé  puisse être instaurée.

L’accord signé entre les organisations patronales et syndicales prévoit que l’ensemble des salariés bénéficient d’une assurance complémentaire santé

L’accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi et la compétitivité des entreprises, conclu le 11 janvier dernier entre l’ensemble des organisations patronales et trois syndicats de salariés sur cinq, prévoit, entre autres, que des négociations de branche devront s’ouvrir avant le 1er avril 2013 en vue de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas encore d’une couverture collective obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé, d’accéder à une telle couverture.
Si l’accord prévoit que des négociations seront menées au niveau de chaque branche professionnelle par les partenaires sociaux, il précise que les entreprises restent libres de retenir le ou les organismes de leur choix.

Le projet de loi du 6 mars 2013, dont l’examen est prévu par l’Assemblée nationale à compter du 2 avril prochain, vise à retranscrire les engagements pris par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI. Mais dans son état actuel, il restreint toutefois la liberté de choix de l’organisme assureur à certaines situations : absence d’accord de branche ou accords prévoyant expressément cette possibilité. L’employeur pourrait ainsi être contraint, dans le cas d’un accord de branche comportant une clause de désignation, de contracter avec l’organisme ou l’un des organismes assureur désigné(s) par la branche.

Si les clauses de désignation ne sont pas contraires, en elles-mêmes, aux règles de la concurrence, leur mise en œuvre doit être encadrée pour maintenir la concurrence sur le marché de l’assurance complémentaire santé

Les clauses de désignation, par lesquelles une branche professionnelle désigne un ou des organismes assureurs uniques, obligent les entreprises de la branche à adhérer à l’un des organismes retenus par les partenaires sociaux, excluant ainsi le libre choix de l’employeur.

La jurisprudence nationale et européenne ne les considère pas comme contraires, en elles-mêmes, aux règles de la concurrence.  

Toutefois, les clauses de désignation, surtout lorsqu’elles s’accompagnent de clauses dites de « migration », produisent des effets qui sont susceptibles de restreindre significativement le libre jeu de la concurrence. En effet, ces clauses contraignent les entreprises disposant déjà d’un contrat d’assurance collective à souscrire à l’organisme désigné par l’accord de branche, emportent la contrainte, pour les salariés d’une branche, de cotiser pour une couverture complémentaire alors qu’ils n’en éprouvent pas nécessairement le besoin : ils peuvent déjà être couverts par un contrat individuel ou par un conjoint et bénéficier  de conditions tarifaires plus avantageuses. Les employeurs, quant à eux, perdent toute marge de manœuvre pour choisir un régime de protection complémentaire adapté à leur entreprise.

Par ailleurs, ces clauses de désignation donnent aux organismes choisis un avantage compétitif par rapport à leurs concurrents. Ils peuvent en effet s’appuyer sur cette position pour proposer à l’ensemble des salariés de la branche d’autres produits d’assurances (assurance vie,  assurance retraite...).

Enfin, en l’état actuel du droit, il est difficile voire impossible, pour un organisme qui ne serait pas approché par les partenaires sociaux d’être informé de l’existence d’une négociation, et de pouvoir ainsi offrir ses services. Cette situation est de nature à avantager les  institutions de prévoyance – gérées paritairement par les partenaires sociaux eux-mêmes – qui représentent déjà 90 % des désignations au détriment des mutuelles et des sociétés d’assurance.

Les préconisations de l’Autorité de la concurrence

Au moment où la réforme va conduire au transfert de 35,5 milliards d’euros de cotisations des contrats individuels vers les contrats collectifs, l’Autorité de la concurrence est soucieuse qu’un tel basculement s’accompagne d’une vraie dynamique concurrentielle au bénéfice des entreprises et des salariés et émet quatre recommandations.

  • Garantir l’égalité entre les différentes catégories d’organismes d’assurance collective

Les différents types d’organismes d’assurances (institutions de prévoyance, mutuelles, sociétés d’assurance) peuvent être soumis à des obligations légales et statutaires différentes qui peuvent restreindre leur capacité à répondre à certaines dispositions du cahier des charges des partenaires sociaux, alors qu’ils sont par ailleurs en mesure de répondre à toutes les autres exigences. Il est donc nécessaire de prévoir une harmonisation des régimes applicables aux différents types d’organismes, notamment sur la possibilité de financer l’action sociale et la constitution de droits non contributifs (versement des prestations alors même que l’entreprise ne serait pas à jour dans le paiement de ses cotisations) qui peut être demandée, dans un but de solidarité, par les partenaires sociaux.

  • Faire primer la liberté de l’employeur dans le choix de l’organisme d’assurance collective

Ce principe est en effet le mieux à même de permettre une concurrence effective et non faussée entre les différents organismes d’assurance. Il doit, à ce titre, être privilégié.

  • Les clauses de recommandation ou, lorsqu’elles sont justifiées, de désignation doivent nécessairement proposer plusieurs organismes

La mutualisation des risques par les partenaires sociaux, si elle peut présenter des risques pour la concurrence, présente aussi un certain nombre d’avantages pour les entreprises et doit donc être rendue possible. Mais l’Autorité considère que la possibilité pour les partenaires sociaux de recommander ou de désigner des organismes doit nécessairement porter sur plusieurs opérateurs (au moins deux) choisis après une mise en concurrence effective. Les employeurs seraient, alors, libres de choisir entre les offres proposées par les opérateurs sélectionnés.

  • Imposer une mise en concurrence des organismes susceptibles d’être recommandés ou désignés

L’Autorité préconise enfin que la loi impose la mise en concurrence effective des organismes d’assurance susceptibles d’être désignés ou recommandés. La procédure de mise en concurrence devra être organisée et contrôlée par un organe ad hoc composé en partie de personnalités indépendantes, depuis la définition du cahier des charges jusqu’à la sélection des mieux-disants. Des règles strictes d’impartialité et de prévention des conflits d’intérêts devront être prévues. Cette mise en concurrence doit concerner la mise en œuvre de ces clauses ainsi que leur réexamen.

L’Autorité recommande aussi de ramener la périodicité maximale des clauses de désignation comme des clauses de recommandation à trois ans au lieu de cinq ans. Cette disposition devra également s’appliquer aux conventions en cours.

> Consulter la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 relative à la loi sur la sécurisation de l'emploi. Un communiqué de presse est également disponible.

 

 

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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