Energie / Environnement

Fourniture de gaz : l’Autorité de la concurrence sanctionne à hauteur d’un million d’euros la société Gaz de Bordeaux et ses sociétés mères pour avoir utilisé abusivement les moyens dont elle disposait au titre de son activité de service public pour développer son activité concurrentielle

Gaz

L’essentiel

Saisie par la Commission de Régulation de l’Energie, l’Autorité de la concurrence sanctionne la société Gaz de Bordeaux pour avoir, entre 2017 et 2019, abusé de sa position dominante dans le secteur de la fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels et petits clients non résidentiels de Bordeaux et des communes avoisinantes.

Il est reproché à Gaz de Bordeaux d’avoir utilisé de manière abusive ses infrastructures et les moyens commerciaux liés à son activité de service public, en sa qualité de fournisseur de gaz naturel au tarif réglementé de vente (TRV), pour développer ses offres de marché (OM).

Alors même qu’elle était tenue de continuer à commercialiser son offre au tarif réglementé, Gaz de Bordeaux a mis en retrait cette offre auprès de ses clients potentiels, en mettant systématiquement en avant ses offres de marché, que ce soit sur son site internet ou par l’intermédiaire de son accueil téléphonique. En conduisant artificiellement la quasi-totalité de ses nouveaux clients à souscrire une offre de marché, Gaz de Bordeaux a réduit l’animation concurrentielle à un moment charnière de l’ouverture à la concurrence du marché (disparition du tarif réglementé du gaz).

L’Autorité inflige conjointement et solidairement à la société Gaz de Bordeaux et ses sociétés mères (Régaz-Bordeaux et Bordeaux Métropole Energies) une sanction pécuniaire d’un million d’euros assortie d’une obligation, pour la société Gaz de Bordeaux, de publier, pendant trois mois, sur son site internet, le résumé de la présente décision.

L’ouverture progressive à la concurrence de l’activité de fourniture de gaz naturel

Depuis 2007, tous les consommateurs en France, y compris les résidentiels (particuliers), sont éligibles aux offres de marché (OM). Les pouvoirs publics français ont, en parallèle de cette ouverture à la concurrence, maintenu l’existence des tarifs réglementés de vente (TRV).

L’ouverture à la concurrence combinée au maintien des TRV permettait donc aux consommateurs de choisir librement leur fournisseur et d’opter entre :

  • un contrat au tarif réglementé de vente : ce contrat n’était proposé que par les fournisseurs historiques, dont Engie sur la majorité du territoire français et Gaz de Bordeaux sur la zone de desserte bordelaise ;
  • un contrat en offre de marché : ce contrat est proposé à la fois par les opérateurs historiques mais aussi par les nouveaux fournisseurs de gaz naturel.

Depuis 2014, les pouvoirs publics ont établi un calendrier visant à supprimer progressivement les tarifs réglementés de vente. Dernièrement, la loi Energie-Climat a entériné la fin des TRV du gaz naturel pour les petits sites non résidentiels et pour l’ensemble des consommateurs résidentiels. En application de ces dispositions, l’offre au TRV a été mise en extinction à partir de décembre 2019 (impossibilité de souscrire une nouvelle offre au TRV depuis cette date), tandis que les clients ayant souscrit à une offre au TRV avant cette date ont jusqu’au 31 juillet 2023 (pour les clients résidentiels) pour souscrire une nouvelle offre de marché auprès du fournisseur de leur choix.  

La position de marché de Gaz de Bordeaux

Anciennement en monopole avant l’ouverture à la concurrence, Gaz de Bordeaux est l’opérateur historique de fourniture au détail de gaz naturel pour la ville de Bordeaux et 45 communes environnantes du département de la Gironde et est considéré comme une entreprise locale de distribution (ELD). En tant qu’opérateur historique sur cette zone, Gaz de Bordeaux détient le monopole de commercialisation des offres de fourniture de gaz au TRV en vertu d’une mission de service public, et peut en parallèle commercialiser des OM en concurrence avec les opérateurs alternatifs.

En dépit de l’ouverture à la concurrence, l’Autorité constate que la part de marché de Gaz de Bordeaux sur la région bordelaise était, de 2016 à 2019, supérieure à 98 %, lui conférant ainsi une situation quasi-monopolistique sur la zone de Régaz-Bordeaux (zone géographique que recouvre l’activité de service public).

De manière plus générale, l’Autorité relève que les territoires des ELD affichent un retard plus important que le reste du territoire national en matière d’ouverture à la concurrence.

La pratique reprochée

Gaz de Bordeaux a utilisé, durant les trois années précédant l’extinction du TRV, les moyens techniques et humains issus de son activité de service public pour diriger systématiquement les consommateurs vers des offres de marché, et ce en occultant délibérément l’existence de l’offre au TRV.

A titre d’exemple, l’offre au TRV a peu à peu disparu du site internet de Gaz de Bordeaux. Rétrogradée en bas de page dès 2017, l’offre au TRV n’était, à partir de 2019, plus disponible sur le site internet de Gaz de Bordeaux. Concomitamment, les équipes commerciales de Gaz de Bordeaux ont occulté l’existence de cette dernière, conduisant ainsi la quasi-totalité des nouveaux clients à souscrire des offres de marché [1].

Dès lors, en utilisant les moyens alloués par son activité de service public, Gaz de Bordeaux a créé une confusion entre son activité de service public et son activité concurrentielle dans un secteur dans lequel les consommateurs n’étaient que très peu informés et a ainsi faussé le fonctionnement concurrentiel du marché.

En redirigeant les consommateurs vers les offres de marché [2], Gaz de Bordeaux a, par ailleurs, empêché de nombreux consommateurs de bénéficier d’une information claire sur la libéralisation du marché du gaz, au moment de l’extinction des TRV. En effet, alors que les opérateurs historiques de gaz naturel proposant des contrats au TRV avaient pour obligation d’informer les consommateurs par l’envoi de cinq courriers réglementaires les informant de l’ouverture du marché à la concurrence, cette obligation n’existait pas pour les contrats souscrits en offre de marché. Les consommateurs orientés par Gaz de Bordeaux vers les contrats en OM durant la période infractionnelle n’ont donc pas pu bénéficier de l’information légale et ont été privés de la possibilité de choisir un contrat OM de manière libre et éclairée.

Les sanctions prononcées

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’Autorité de la concurrence inflige à Gaz de Bordeaux, solidairement et conjointement avec ses sociétés mères, une sanction d’un million d’euros.

L’Autorité, enjoint, en outre, la société Gaz de Bordeaux à publier pendant trois mois, sur son site internet, le résumé de la présente décision.

 

[1] L’Autorité relève que 97 % des nouvelles souscriptions, ont concerné entre le 1er janvier 2017 et le 30 novembre 2019 des OM (contre 0,10% en 2016).

[2] La CRE dans sa saisine relève que  « sur le marché résidentiel de la zone de desserte de Régaz, plus de 16 % de la clientèle de Gaz de Bordeaux, précédemment aux tarifs réglementés de vente, a migré, entre janvier 2017 et mars 2018, vers une offre de marché de Gaz de Bordeaux. Sur cette période, environ 2 000 clients par mois ont souscrit l’offre de marché de Gaz de Bordeaux. Le mouvement est constant sur cette période après mars 2018 à une allure identique ».

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Imprimer la page