Arts et culture

Edition de bandes dessinées : l’Autorité autorise le rachat du groupe Delcourt par Editis

Delcourt

L'essentiel

Le 25 novembre 2024, Editis a notifié à l’Autorité de la concurrence son projet de prise de contrôle exclusif du groupe Delcourt. À l’issue d’un examen attentif des effets possibles de l’opération portant sur le secteur de l’édition, notamment des bandes dessinées, l’Autorité a autorisé cette acquisition sans conditions.

Les parties à l'opération

Editis est un groupe d’édition de livres généraliste, regroupant une cinquantaine de maisons d’édition, notamment dans le domaine de la littérature et de l’éducation. Dans l’univers de la bande dessinée, Editis exploite principalement la maison d’édition Kurokawa qui édite des mangas populaires tels que Spy X Family ou One Punch Man. Via sa filiale Interforum, Editis est également un opérateur important de la diffusion et de la distribution de livres, pour le compte de ses propres maisons d’édition et d’éditeurs tiers. Editis est contrôlé par le groupe de presse tchèque Czech Media Invest a.s., dont l’un des actionnaires est M. Křetínský[1].

Delcourt est un groupe d’édition français spécialisé dans la bande dessinée, par le biais des labels Delcourt, Delcourt/Tonkam, Soleil ou encore Kbooks. Cette activité recouvre l’ensemble de l’univers des bandes dessinées, au travers par exemple de séries comme Les Légendaires, Solo Leveling ou encore Walking Dead. Delcourt assure en outre par l’intermédiaire de sa filiale Delsol la diffusion de ses ouvrages ainsi que ceux d’éditeurs tiers dans les librairies, les grandes surfaces spécialisées et sur les sites de revente en ligne. Préalablement à l’opération, le groupe Delcourt est contrôlé par Delcourt Productions et Florac Investissements.

 

Les spécificités du secteur et la délimitation des marchés pertinents

L’opération a trait au secteur de l’édition que l’Autorité n’est amenée à analyser qu’à de rares occasions[2]. De leur édition à leur commercialisation auprès des lecteurs, les livres suivent un parcours, « la chaîne du livre », faisant intervenir plusieurs acteurs : les éditeurs, les diffuseurs, les distributeurs et les revendeurs (librairies, grandes surfaces spécialisées ou à dominante alimentaire, points de vente non spécialisés tels que les magasins de gare, acteurs de la vente en ligne, etc.). Dans le cadre de son analyse, l’Autorité identifie plusieurs marchés situés à différents niveaux de cette chaîne, à savoir les marchés amont de l’acquisition de droits, les marchés intermédiaires des services de diffusion, les marchés intermédiaires des services de distribution et les marchés aval de la vente de livres.

En l’espèce, l’Autorité a pu faire évoluer sa pratique décisionnelle concernant les définitions de ces marchés dans le prolongement de la décision de la Commission européenne Vivendi – Lagardère. Elle s’est également interrogée sur la possibilité de distinguer, au niveau du marché de la vente de livres, les bandes dessinées dites « franco-belge », les mangas et les comics.

L’Autorité a pu écarter tout risque d’atteinte à la concurrence sur les marchés concernés

L’Autorité a considéré que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

L’Autorité a analysé les risques potentiels résultant de la conjugaison des activités d’Editis, un acteur généraliste de l’édition actif sur l’ensemble de la chaîne du livre, et de Delcourt, acteur spécialisé dans les bandes dessinées et intégré uniquement sur une partie de cette chaîne. Les risques potentiels analysés par l’Autorité étaient de plusieurs natures (horizontaux, verticaux et congloméraux).

L’Autorité a d’abord écarté tout risque d’atteinte à la concurrence sur les marchés sur lesquels les activités des parties se cumuleront (marchés de l’acquisition de droits d’édition, marchés des services de diffusion à destination des librairies, des grandes surfaces spécialisées et des revendeurs en ligne et enfin marchés de la vente de livres aux revendeurs). À cet égard, l’Autorité a notamment relevé les parts de marché globalement limitées de la nouvelle entité à l’issue de l’opération, le caractère complémentaire des activités des parties et la présence d’alternatives en nombre suffisant à chacun des niveaux de la chaîne du livre.

L’Autorité a également considéré que l’opération n’entraînait pas de risques consistant pour Editis à refuser ou dégrader l’accès de ses concurrents à ses services de diffusion et de distribution (verrouillage par les intrants), compte tenu des faibles gains qui résulteraient, pour la nouvelle entité, de la mise en œuvre d’une telle stratégie et de la présence d’alternatives importantes pour les éditeurs clients de ces services (le groupe Hachette et, dans une moindre mesure, le groupe Madrigall). L’Autorité considère par ailleurs qu’une telle stratégie aurait des effets globalement limités sur le marché.

Enfin, l’Autorité s’est intéressée à d’éventuelles stratégies consistant pour Editis, par exemple, à imposer la vente de certains livres aux revendeurs, globaliser les négociations commerciales ou les remises tarifaires qui leurs sont accordées ou encore grouper les prestations de diffusion et de distribution. De manière générale, l’Autorité note que l’opération conduit à un renforcement marginal des éventuelles capacités et incitations d’Editis à mettre en œuvre de telles stratégies par rapport à celles dont il disposait déjà préalablement à l’opération. En tout état de cause, ces stratégies auraient, selon l’analyse de l’Autorité, des effets limités sur les marchés compte tenu de la capacité des principaux concurrents de la nouvelle entité à les répliquer.

À l’issue de son analyse concurrentielle, l’Autorité a donc autorisé l’opération sans conditions.

 

[1] La prise de contrôle de CMI sur Editis a été autorisée par la Commission européenne le 30 octobre 2023 (décision M. 11153 CMI / Editis du 30 octobre 2023). Elle fait suite à l’autorisation par la Commission européenne de la prise de contrôle du groupe Lagardère par le groupe Vivendi sous réserve d’un engagement prévoyant la cession d’Editis à un tiers (décision M. 10433 Vivendi / Lagardère du 9 juin 2023).

 

[2] Décisions de l’Autorité n° 21-DCC-70 du 29 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Prisma Media par le groupe Vivendi, n° 17-DCC-208 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de La Martinière Groupe par Média-Participations, n° 12-DCC-126 du 30 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Flammarion par le groupe Gallimard.

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Imprimer la page