L’Autorité de la concurrence sanctionne à hauteur de 16 millions d’euros les distributeurs en gros de médicaments vétérinaires ainsi que leur organisme professionnel pour avoir mis en œuvre plusieurs ententes.

L’Autorité, qui s’est autosaisie, sur la base d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, sanctionne les sociétés Alcyon France et Alcyon, Coveto, Centravet, Hippocampe Caen, Agripharm et Chrysalide, Coveto Limoges, Véto Santé, Elvetis et Neftys Pharma ainsi que la Fédération de la Distribution du Médicament Vétérinaire (« FDMV ») pour avoir pris part à plusieurs ententes dans le secteur de la distribution de médicaments vétérinaires en violation de l’article L. 420-1 du code de commerce et du paragraphe premier de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les entreprises en cause n’ont pas contesté les faits et ont bénéficié à ce titre d’une réduction de sanction dans le cadre d’une procédure de transaction.

Le marché des médicaments vétérinaires

La France figure parmi les principaux pays producteurs d’animaux d’élevage de l’Union et dispose de la population d’animaux de compagnie la plus importante en Europe. Elle constitue le premier débouché européen pour les médicaments vétérinaires.

Le secteur du médicament vétérinaire en France est organisé en trois niveaux distincts (voir graphique ci-après) :

- en amont, la fabrication de médicaments vétérinaires par les laboratoires ;
- à un premier stade intermédiaire, la distribution en gros des médicaments vétérinaires par les distributeurs, les dépositaires ou les groupements de vétérinaires ;
- à un second stade intermédiaire, la vente au détail de ces médicaments par les ayants droit, dont 80 % sont des vétérinaires, aux utilisateurs finaux (éleveurs, propriétaires d’animaux).
 



Les trois premiers acteurs du secteur (70 % des ventes de médicaments vétérinaires) avaient conclu entre eux des pactes de « non-agression » pour figer la concurrence et se répartir la clientèle

Ainsi, les deux premières pratiques sanctionnées ont consisté en la conclusion de « pactes de non-agression » entre Alcyon (numéro 1 du marché) et Coveto (numéro 3 du marché), d’une part, et Centravet (numéro 2 sur marché) et Coveto, d’autre part.

En s’abstenant de démarcher leurs clients respectifs pendant près de trois ans (de janvier 2007 à fin 2009) pour le premier pacte et quelques semaines pour le second (du 21 Octobre 2009 au 2 décembre 2009), ces entreprises ont limité leur autonomie commerciale et restreint la concurrence sur les marchés concernés. De tels accords de répartition de clientèle constituent, par leur nature même, des infractions graves au droit de la concurrence.

Par ailleurs, l’ensemble des distributeurs ainsi que leur organisme professionnel, la FDMV, se sont entendus pour tirer profit de la situation d’urgence sanitaire engendrée par la propagation rapide de la fièvre catarrhale ovine entre 2007 et 2010.

En 2007 et 2008, la France a été confrontée à une épidémie de FCO. Parallèlement à l’application de mesures sanitaires, trois campagnes de vaccination obligatoire ont été mises en place par le Directeur Général de l’Alimentation au ministère de l’agriculture et de la pêche (« DGAL ») sur le territoire français au printemps 2008 et jusqu’à l’automne 2010.

Profitant du contexte de crise sanitaire, l’ensemble des distributeurs en gros ainsi que la FDMV :


>> se sont mis d’accord sur le niveau des coûts qu’ils allaient respectivement présenter à l’administration afin de maximiser le montant de l’indemnisation qui leur serait versée par l’Etat au titre des prestations logistiques déployées pour assurer la distribution des vaccins lors des trois campagnes de vaccination,

Outre sa gravité, cette stratégie a permis en particulier aux entreprises en cause de réaliser des gains illicites substantiels. En effet, selon les propres déclarations des distributeurs concernés, le niveau de remboursement des frais logistiques de 4 centimes d’euros obtenu de l’administration était très largement supérieur aux coûts véritablement supportés pour cette prestation, lesquels se situaient entre 1 centime et 2,5 centimes.

Certains messages échangés entre les distributeurs durant l’épidémie de FCO montrent que ceux-ci étaient parfaitement conscients de la différence entre le prix réclamé et le coût subi, comme l’illustre ici la reproduction de l’un d’eux:


>> ont fixé en commun les prix facturés aux vétérinaires lors des deuxième et troisième campagnes de vaccination obligatoire.

En outre, plusieurs éléments aux dossiers témoignent de la parfaite connaissance que ces distributeurs avaient du caractère illicite de leur comportement, comme en témoigne cet extrait d’un compte-rendu saisi lors des opérations de visites et saisies :


 

Des pratiques graves

 

Ces différentes pratiques d’entente constituent, par leur nature même, des infractions particulièrement graves au droit de la concurrence.

Pour déterminer le montant des sanctions, l’Autorité a notamment pris en compte la particulière gravité de l’infraction mise en œuvre sous l’égide de la FDMV durant la crise sanitaire de la FCO. Il s’avère en effet que les distributeurs en gros ont profité de l’urgence sanitaire liée à la propagation rapide de la maladie et de l’absence d’appel d’offres pour induire sciemment en erreur l’acheteur public sur les véritables coûts logistiques de livraison des vaccins supportés par chacun d’entre eux et ainsi compromettre la bonne utilisation des deniers publics.

L’Autorité relève que la FDMV a joué un rôle pivot dans l’élaboration et l’organisation de l’infraction mise en œuvre dans le cadre de la crise sanitaire liée à la propagation de la FCO. En effet, au cours de la première campagne de vaccination, elle a participé à l’élaboration et à la diffusion auprès des distributeurs en gros de la méthode de calcul qui leur a permis de surévaluer leurs coûts afin d’obtenir de l’administration un montant d’indemnisation supérieur. Durant les deux campagnes suivantes, la FDMV a usé de toute son influence afin de convaincre les distributeurs de ne pas concéder une baisse du montant d’indemnisation des coûts réclamé à l’administration par rapport à celui obtenu lors de la première campagne.

Les entités concernées ayant toutes sollicité le bénéfice de la procédure de transaction. Dans ce cadre procédural, l’Autorité a prononcé les sanctions suivantes :

- 10 000 000 euros solidairement pour les sociétés Alcyon France et à Alcyon ;
- 1 400 000 euros pour la société Centravet ;
- 4 300 000 euros pour la société Coveto ;
- 180 000 euros pour la société Hippocampe Caen ;
- 18 000 euros solidairement pour les sociétés Agripharm Santé Animale et Chrysalide ;
- 55 000 euros solidairement pour les sociétés Coveto Limoges et Coveto ;
- 1 400 euros solidairement pour les sociétés Véto Santé, Elvetis et Neftys Pharma ;
- 3 000 euros pour la Fédération de la Distribution du Médicament Vétérinaire.

 

Contact(s)

Virginie Guin
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Directrice de la communication
Yannick Le Dorze
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Adjoint à la directrice de la communication
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