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Internet haut débit par ADSL : le Conseil inflige à France Télécom une sanction de 80 millions d’euros pour abus de position dominante

Internet

Saisi en novembre 1999 par la société Neuf Télécom qui se plaignait de pratiques mises en oeuvre par France Télécom sur le marché de gros de l’accès à Internet haut débit (ADSL), le Conseil de la concurrence a enjoint à France Télécom, en février 2000, de proposer une offre technique et commerciale de nature à permettre aux autres opérateurs d’exercer une concurrence effective sur ce marché.

Constatant que cette injonction n’avait pas été respectée, le Conseil, en mai 2004, a sanctionné France Télécom à hauteur de 20 millions d’euros, amende qui a été doublée par la cour d’appel de Paris (voir encadré à la fin du communiqué).

Statuant maintenant au fond, le Conseil de la concurrence vient de décider, au vu de la gravité des pratiques et de leur durée (1999-2002), d’imposer à France Télécom une sanction de 80 millions d’euros, pour avoir fermé à ses concurrents, jusqu’en octobre 2002, l’accès au marché de gros de l’Internet à haut débit par ADSL.

France Télécom a opposé, en décembre 1999, un refus à la demande de Neuf Télécom concernant l’accès au marché de gros de l’Internet à haut débit.

La technologie ADSL, lancée en 1999, a permis l’apparition de nouveaux marchés : fourniture d’accès à Internet haut débit par l’ADSL, transport du trafic ADSL entre les abonnés et les fournisseurs d’accès Internet (FAI) par les opérateurs. Toutefois, du fait du monopole détenu par France Télécom sur les lignes de cuivre (la boucle locale) reliant les abonnés au central téléphonique, et de l’absence de dégroupage effectif jusqu’en 2002 de cette boucle locale, les opérateurs concurrents de France Télécom qui désiraient offrir de telles prestations de transport aux FAI, étaient contraints d’acheter à France Télécom les prestations de gros leur permettant de prendre livraison du trafic ADSL en un point intermédiaire du réseau de l’opérateur historique.

Le Conseil a constaté que France Télécom avait accepté d’offrir aux fournisseurs d’accès Internet (FAI) ces prestations de gros, à condition que ces prestations soient, de bout en bout, mises en forme dans ses installations (option 5), mais avait refusé aux opérateurs téléphoniques concurrents, notamment à Neuf Télécom, la possibilité de substituer, pour partie, leurs installations aux siennes propres selon les modalités prévues par l’option 3, les empêchant ainsi de faire des offres en gros aux FAI.

Dans un second temps, France Télécom a accepté de laisser ses concurrents substituer leurs installations aux siennes (option 3), mais selon des dispositions tarifaires telles que ces concurrents ne pouvaient faire aux FAI des offres compétitives par rapport aux offres de l’option 5 proposée par France Télécom.

Le Conseil constate encore que ce n’est qu’en septembre 2002 que l’option 3 a été offerte à des conditions tarifaires permettant aux opérateurs concurrents de bâtir des offres dans des conditions économiques acceptables, à destination des FAI, après que l’ART a obtenu des baisses de tarifs concomitantes sur l’ensemble des offres de France Télécom, options 3 et 5.

Le Conseil a considéré que le refus opposé à Neuf Télécom, puis les conditions inadaptées proposées, constituaient un refus d’accès à l’infrastructure essentielle que constituent, en l’absence de dégroupage de la boucle locale, la boucle locale et les équipements situés entre cette boucle et les points de branchement de l’option 3.

Ce refus d’accès à permis à France Télécom de rester l’unique offreur de prestations de transport du trafic Internet haut débit (ADSL) entre les abonnés et les FAI jusqu’en 2002, et a empêché l’entrée sur ce marché de concurrents potentiellement plus innovants et efficaces. Les FAI n’ont pu bénéficier d’une concurrence sur ce marché et donc de conditions techniques ou tarifaires plus intéressantes, dont ils auraient pu faire bénéficier les consommateurs.

Le Conseil a considéré que ces pratiques étaient extrêmement graves et avaient causé un dommage important à l’économie.

Le Conseil a estimé que les pratiques anticoncurrentielles de France Télécom :

  • ont conduit à la fermeture du marché de l’accès Internet à haut débit (ADSL) garantissant ainsi à France Télécom d’être le seul fournisseur en gros d’ADSL ;
  • ont duré près de trois ans, et ce, malgré les injonctions du Conseil et les avertissements donnés par l’ART (devenue ARCEP) entre janvier 2001 et octobre 2002 sur leur caractère anticoncurrentiel ;
  • sont le fait d’un opérateur historique verticalement intégré et détenteur d’une infrastructure essentielle nécessaire à la mise en place du haut débit par les concurrents. France Télécom était ainsi dans une position qui lui conférait une responsabilité particulière sur le marché du haut débit puisqu’elle pouvait en modifier unilatéralement la structure ;
  • ont eu lieu sur un marché naissant dont elles ont freiné le dynamisme.

Dans le calcul de la sanction, le Conseil a retenu comme facteur atténuant l’amende déjà infligée à France Télécom pour le non respect d’injonction pré-cité.

Historique de l’affaire

Décision du 18 février 2000 ordonnant des mesures conservatoires

Suite à une plainte de Neuf Télécom, le Conseil avait estimé que le refus de France Télécom de permettre aux opérateurs tiers de développer une offre d’accès à Internet haut débit concurrentielle qui leur soit propre portait une atteinte grave et immédiate au secteur. Le Conseil avait par conséquent enjoint à France Télécom de réformer en urgence son comportement en attendant une décision au fond. Il avait ainsi enjoint à France Télécom « de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines[…], une offre technique et commerciale d’accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d’accès à internet par la technologie ADSL ou tout autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs d’exercer une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes ». Par un arrêt du 30 mars 2000, la cour d’appel de Paris a validé la décision du Conseil.

Décision du 13 mai 2004 constatant le non respect de l’injonction prononcée à titre conservatoire

Constatant que son injonction prononcée en mesures conservatoires était restée lettre morte, le Conseil a sanctionné France Télécom à hauteur de 20 millions d’euros pour non respect d’injonction. En effet, si France Télécom avait effectivement transmis, le 18 avril 2000, une offre aux opérateurs tiers - dite « ADSL Connect ATM » - cette dernière contenait de nombreuses restrictions techniques et tarifaires et n’était, de ce fait, pas conforme à l’injonction du Conseil.
Par un arrêt du 11 janvier 2005, la cour d’appel de Paris a validé l’analyse du Conseil sur le fond tout en alourdissant les sanctions pécuniaires qui passent de 20 millions à 40 millions d’euros (pourvoi en cassation pendant).

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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