Santé

L’Autorité de la concurrence rend un avis portant sur un projet de décret relatif à l’approvisionnement en médicaments à usage humain

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Elle invite les pouvoirs publics à ne pas restreindre le commerce parallèle de médicaments entre Etat-membres de l’Union européenne au-delà de ce qui est justifié par l’objectif de santé publique poursuivi par le projet de décret.

 

L’Autorité publie aujourd’hui un avis rendu au Ministre des Affaires sociales et de la Santé concernant un projet de décret relatif à l’approvisionnement en médicaments à usage humain.

Prévenir les ruptures d’approvisionnement en médicaments

Un décret en Conseil d’Etat est prévu par l’article 47 de la loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ce décret met en place un ensemble de mesures visant à répondre aux situations de rupture d’approvisionnement en médicaments à usage humain.  En effet, le circuit de distribution français des médicaments est régulièrement touché par des dysfonctionnements qui entraînent des ruptures d’approvisionnement, ou pénuries, notamment pour des médicaments considérés comme indispensables dans l’arsenal thérapeutique des patients. Ces ruptures affectent principalement les 22.500 officines de France, dans la mesure où la chaîne de médicaments en ville fonctionne constamment à « flux tendu ».

Les causes à l’origine des pénuries sont multifactorielles

L’émergence de pénuries peut provenir du comportement des différents acteurs de la chaîne de distribution : laboratoires pharmaceutiques (contingentements, problèmes de fabrication, exportation), grossistes-répartiteurs (qui sont tenus par des obligations de service public, mais peuvent néanmoins pratiquer l’exportation), distributeurs en gros à l’exportation (cf. pages 11 à 17 de l’avis pour plus de détails sur l’origine des pénuries).

Les distributeurs en gros à l’exportation se fournissent principalement auprès des grossistes-répartiteurs. Ces derniers, qui doivent remplir en premier lieu une mission de service public d’approvisionnement sur le territoire français, peuvent également exporter des médicaments dont ils disposent, cela pouvant présenter pour eux un intérêt économique (dans la mesure où il peut exister un différentiel entre le prix réglementé en France et le  prix à l’exportation qui est libre) : il s’agit de « l’exportation parallèle ». Celle-ci peut contribuer aux ruptures d’approvisionnement, en sortant du circuit national de répartition des spécialités faisant l’objet de contingentements.

Les recommandations de l’Autorité : préserver l’objectif de santé publique sans restreindre de façon disproportionnée les exportations de médicaments

L’Autorité considère que le plan de gestion des pénuries prévu par le décret, qui ne concerne que les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur1, ne comporte pas de difficultés au regard du droit de la concurrence. Il est pleinement justifié du point de vue des objectifs de santé publique et du nécessaire approvisionnement du territoire national en médicaments d’intérêt thérapeutique majeur qui présentent un caractère particulièrement sensible. Par ailleurs, le renforcement des obligations des grossistes-répartiteurs ne semble pas a priori poser de difficultés.

En outre, le projet de décret contient des dispositions qui visent ou ont pour effet de limiter l’exportation parallèle (a priori de tout médicament dans la rédaction actuelle du projet) afin d’éviter notamment que des ruptures d’approvisionnement ne se produisent à la suite d’exportations pratiquées par les grossistes-répartiteurs. A cet égard, le projet de décret dispose qu’un médicament qui ne pourrait être délivré dans un délai de 72 heures serait considéré en situation de rupture et ne pourrait être exporté. Par ailleurs, il organise un dispositif de surveillance, dans lequel les laboratoires pharmaceutiques jouent un rôle pivot, qui peut soulever des interrogations en termes de neutralité.

L’Autorité rappelle que de telles dispositions doivent être justifiées dans leur principe et proportionnées dans leurs modalités au regard de l’objectif de santé publique poursuivi. Au regard des principes du droit de la concurrence, et notamment du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, des dispositions ayant pour effet d’empêcher toute exportation (directe ou indirecte) de médicaments par les grossistes-répartiteurs et distributeurs en gros à l’exportation pourraient apparaître comme disproportionnées.

Assouplir les modalités relatives à l’exportation parallèle, afin qu’elles soient justifiées et proportionnées à l’objectif de santé publique

L’Autorité de la concurrence propose par conséquent plusieurs aménagements au décret, de nature à permettre d’assurer que ces dispositions ne conduisent pas à des restrictions injustifiées à la concurrence, tout en préservant l’objectif de santé publique poursuivi. En particulier, l’Autorité propose les évolutions suivantes :

• limiter les restrictions aux exportations parallèles aux seuls médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ;

• assouplir les modalités d’établissement de la liste des médicaments en rupture d’approvisionnement et, dès lors, interdits d’exportation ;

• limiter les obligations d’information des grossistes-répartiteurs aux laboratoires pharmaceutiques en matière d’exportation de médicaments.
  
 Enfin, concernant la centralisation de l’information en matière de pénuries, et en particulier la mission conférée aux centres d’appels d’urgence2 , l’Autorité recommande que celle-ci soit prise en charge directement par les pouvoirs publics – lesquels relaieront l’information aux laboratoires pharmaceutiques –, et non par les laboratoires. Dans un souci de plus grande neutralité, l’Autorité souhaite ainsi que soit renforcé le rôle central des pouvoirs publics, en lieu et place des laboratoires.
 

(1) C’est-à-dire les médicaments pour lesquels une rupture pourrait mettre en cause le pronostic vital des patients.
(2) Les centres d’appels d’urgence permanents, accessibles aux pharmaciens et aux grossistes-répartiteurs, prennent en charge à tout moment les ruptures d’approvisionnement concernant les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

 

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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