Le Conseil de la concurrence sanctionne à hauteur de 37 millions d’euros 5 fabricants de jouets et 3 distributeurs pour entente.

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Saisi par le ministre de l’économie, le Conseil de la concurrence vient de rendre une décision dans laquelle il sanctionne 5 fournisseurs pour s’être entendus avec leurs distributeurs sur le prix de vente des jouets de Noël, au détriment des consommateurs. Il a également sanctionné trois distributeurs pour les mêmes faits.

Le montant total des amendes s’élève à 37 millions d’euros et se décompose comme suit :

Fournisseurs :

  • Chicco – Puériculture de France : 600 000 euros
  • Goliath France: 25 000 euros
  • Hasbro France: 5,1 millions d’euros
  • Lego SAS: 1,6 million d’euros
  • MegaBrands Europe NV : 240 000 euros

Distributeurs :

  • Carrefour France : 27,4 millions d’euros
  • Maxi Toys France : 1,8 million d’euros
  • EPSE-JouéClub : 300 000 euros

Le Conseil a considéré que les éléments au dossier - notamment en matière de police des prix - étaient insuffisants pour établir la participation à l’entente des autres entreprises auxquelles des griefs avaient été notifiés. La plupart de celles-ci n’ont pas, en effet, fait l’objet de visites et saisies dans le cadre de l’enquête menée par la DGCCRF, qui a précédé la saisine ministérielle.

Les fournisseurs en cause se sont entendus avec l’ensemble de leurs distributeurs afin que leurs produits soient vendus au même prix dans tous les points de vente. Ils ont parallèlement mis en place des actions de surveillance du marché et de police des prix, auxquelles ont activement participé les distributeurs

Durant les périodes de Noël des années 2001 à 2003 (1), les fournisseurs en cause se sont respectivement entendus avec leurs distributeurs pour faire cesser toute concurrence entre points de vente et obtenir un prix de détail unique pour chacune de leur référence.

Ces ententes verticales se sont accompagnées d’actions de "police des prix" de leur part, auprès des distributeurs « déviants » afin de faire remonter le prix des jouets « posant problème » et obtenir un réalignement rapide. Les nombreux errata publiés par les distributeurs pour rectifier a posteriori - et toujours à la hausse - les prix indiqués dans leur catalogue de Noël en témoignent.

Les trois distributeurs sanctionnés ont également participé activement à ces actions de police :

  • C’est notamment le cas de Carrefour, qui a mis en place, pendant plusieurs années successives, une opération intitulée « Carrefour rembourse 10 fois la différence », incitant les consommateurs à effectuer une veille des prix pour son compte. Utilisant les remontées d’informations relatives aux demandes de remboursement des consommateurs, Carrefour est intervenu systématiquement auprès des fournisseurs concernés pour qu’ils « règlent le problème » du produit moins cher constaté chez ses concurrents.

     
  • C’est également le cas de MaxiToys, qui a accepté à de nombreuses reprises de remonter ses prix à la demande de ses fournisseurs, alors que - se fournissant au Bénélux à des prix d’achat inférieurs - il est en mesure de proposer des prix de détail plus avantageux pour le consommateur. A cet égard, le dirigeant de MaxiToys a indiqué lors de l’instruction que « Afin que MaxiToys ne perturbe pas le marché français, les fabricants de jouets français nous présentent les tarifs d’achat en France et nous demandent de nous aligner sur le SRP [seuil de revente à perte] français. Cela évite de perturber le marché et nous permet d’obtenir des marges supérieures et par conséquent de gagner de l’argent »

     
  • C’est enfin le cas de EPSE, tête du réseau JouéClub, qui a participé à la police des prix conduite par Goliath et par MegaBrands en 2002

Le Conseil a considéré que les distributeurs sanctionnés ne pouvaient justifier leurs interventions auprès des fournisseurs, en vue de faire remonter les prix de leurs concurrents, par l’obligation de respecter la législation sur la revente à perte et cela d’autant plus que le dossier a réuni – pour la généralité du secteur – de nombreux indices démontrant que le seuil de revente à perte avait été artificiellement rehaussé (identité du seuil de revente à perte pour tous les points de vente, quel que soit le distributeur, imprécision des services de coopération commerciale, qui ne sont pas spécifiés ni individualisés, rendant ainsi impossible la vérification de la réalité de la prestation offerte, intégration dans la coopération commerciale de services qui relèvent à l’évidence de l’acte d’achat-vente, présentation faussement conditionnelle de ristournes).
Ces constatations ont d’ailleurs conduit le Conseil à transmettre le dossier aux tribunaux de commerce compétents.

Ces ententes de prix constatées ont abouti à l’élimination de toute concurrence entre distributeurs pour les jouets de chaque marque concernée, au détriment du consommateur

L’observation des prix relevés dans les catalogues de treize distributeurs (Toys’R’Us, JouéClub, KingJouet, LaGrandeRécré, PicWic, MaxiToys, Auchan, Cora, Casino, Intermarché, Leclerc, HyperU et Carrefour) et les déclarations des distributeurs sanctionnés montrent que ces ententes ont bien fonctionné et que les prix souhaités par les fournisseurs ont été significativement appliqués par les distributeurs.

Les consommateurs en ont été les principales victimes, l’achat des jouets de Noël étant incontournable en fin d’année.

Le Conseil de la concurrence considère que ces pratiques sont graves

Les pratiques ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché constituent, en droit national et communautaire, des "restrictions caractérisées" de concurrence.

En l’espèce, elles sont d’autant plus graves qu’elles ont été en partie mises en oeuvre par des entreprises ou groupes détenant des marques à très forte renommée, comme c’est le cas pour Hasbro, Lego ou Chicco.

S’agissant de Carrefour, le Conseil a relevé que « L’utilisation des consommateurs qui sont ainsi amenés à contribuer, à leur insu et à leur détriment, à l’alignement des prix des jouets sur le prix plus élevé de Carrefour, alors que l’opération publicitaire [« Carrefour rembourse 10 fois la différence »], a pour objectif de présenter l’enseigne comme ayant une politique de prix agressive, ajoute à la gravité de la pratique ».

(1) Les dates de commission des pratiques diffèrent selon les fournisseurs. Pour plus de détails, se reporter au texte intégral de la décision.

 

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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