L’Autorité préconise de renforcer la mise en concurrence des chirurgiens-dentistes par les patients.

Elle appelle également à davantage de transparence dans les prix pratiqués par les chirurgiens-dentistes, afin que les patients puissent bénéficier des effets de la concurrence entre prothésistes.

 

L’Autorité de la concurrence publie aujourd’hui un avis rendu au Syndicat national des fabricants de prothèses dentaires (SNFPD), qui l’avait saisie pour avis le 15 septembre 2011 concernant les effets sur la concurrence de l’exclusivité de la vente des prothèses dentaires par les chirurgiens-dentistes.

Le SNFPD souhaiterait instaurer une relation commerciale directe entre prothésistes et patients, alors qu’aujourd’hui le prothésiste n’intervient que sur commande exclusive du chirurgien-dentiste pour le compte de son patient.


L’Autorité ne saurait remettre en cause le monopole d’exercice de l’art dentaire

Conformément à sa pratique décisionnelle en la matière1, l’Autorité rappelle qu’elle ne peut, au nom du droit de la concurrence, s’opposer à la réglementation professionnelle (code de la santé publique) ni à l’application qu’en a donné la jurisprudence de la Cour de cassation, qui consacrent le monopole de l’art dentaire (exercé par 40.930 chirurgiens-dentistes) et organisent l’activité prothétique (3.950 laboratoires en France, dans lesquels travaillent 17.550 personnes) en conséquence.

Le marché se décompose ainsi en un marché amont des prothèses fabriquées par les prothésistes pour le compte des chirurgiens-dentistes et un marché aval des actes prothétiques dispensés par les chirurgiens-dentistes à leurs patients.

Une insuffisante dynamique concurrentielle sur le marché aval, au détriment des patients

Sur le marché amont, les chirurgiens-dentistes assurent la mise en concurrence des laboratoires prothétiques, qui s’exerce sur la qualité et sur le prix des prothèses dentaires. En revanche, cette dynamique concurrentielle ne s’est pas diffusée sur le marché aval. La forte asymétrie d’information relative à l’offre de soins disponible et l’insuffisante transparence dans la formation des prix limitent la concurrence au détriment des patients, qui sont nombreux (environ 10 %) à renoncer à des soins, pourtant justifiés, en raison de leur coût.

Concernant le prix des soins prothétiques, l’Autorité relève en particulier que ces soins représentent une part majoritaire des honoraires facturés (62 %) par les chirurgiens-dentistes, alors qu’ils ne représentent qu’une part minoritaire (30 %) du temps consacré dans leur activité globale. Cette distorsion se traduit par une surévaluation des honoraires prothétiques nationaux par rapport aux honoraires pratiqués dans d’autres pays de l’Union européenne (voir tableau ci-dessous).

Tableau: Valorisation des soins prothétiques

Prothèse Allemagne France  Danemark Pays-Bas
Prothèse amovible complète 100 251 139 77
Couronne céramique 100 199 178 100
Bridge 3 éléments, métal/résine 100 278 264 144
Bridge 3 éléments, céramique/métal 100 177 158 81
Source : Cour des comptes, 2010 - enquête de 1998 portant sur une comparaison européenne du niveau de prix de certains actes prothétiques 


L’Autorité préconise de renforcer la concurrence afin d’arriver à un niveau de tarification plus acceptable pour la collectivité

L’Autorité, qui établit dans son avis que le dispositif tarifaire a contribué à une restriction de la demande de soins prothétiques, propose des orientations afin de promouvoir les mécanismes de marché susceptibles de conduire à un niveau de tarification plus acceptable pour la collectivité.

Renforcer la mise en concurrence des chirurgiens-dentistes par les patients

L’Autorité recommande de renforcer la mise en concurrence des chirurgiens-dentistes par les patients, notamment en réduisant l’asymétrie d’information relative à l’offre de soins disponible et en favorisant la transparence dans la décomposition du prix :

• Un meilleur accès des patients à l’information sur le coût des soins
L’Autorité invite la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) à améliorer et enrichir les informations figurant dans la base de données Ameli de la CNAM (site internet www.ameli-direct.fr), en la complétant notamment des actes hors nomenclature (implants et parodontie) et en détaillant le descriptif de ces actes. Elle invite également la CNAM à organiser une communication grand-public afin d’inciter les patients à comparer le prix des soins prothétiques en consultant cette base de données.

• La mise en place effective du devis-type prévu par la loi du 10 août 2011
L’Autorité préconise la mise en place effective et contrôlée du devis-type prévu par la loi n°2011-940 du 10 août 2011 (loi Fourcade), qui dissocie le prix de vente de la prothèse par le chirurgien-dentiste du prix des soins. L’Autorité recommande en particulier que la prothèse soit valorisée par le chirurgien-dentiste à un prix proche de son coût d’achat (voir § 124 à 130 de l’avis), afin que les patients puissent bénéficier des effets de la concurrence existant sur le marché amont de la fabrication des prothèses.

Renforcer la régulation conventionnelle du monopole des chirurgiens-dentistes par une révision de la structure tarifaire

La structure tarifaire actuelle se caractérise par des prix administrés pour les soins conservateurs – ne correspondant pas à la réalité économique –, que vient compenser une liberté tarifaire pour les soins prothétiques.

Sans remettre en cause le principe de libre fixation des honoraires prothétiques, l’Autorité considère que l’assurance maladie et les organismes complémentaires en charge de négocier la nouvelle convention dentaire pourraient, en contrepartie d’une révision de la tarification des soins conservateurs, obtenir de la profession des engagements en matière de tarification des actes prothétiques, associés à un mécanisme de plafonnement des dépassements d’honoraires.

Cette orientation rejoint celle de la Cour des comptes qui préconisait dans son rapport 2010 « d’encadrer la liberté tarifaire en matière de prothèses en contrepartie de la revalorisation de certains soins conservateurs dans le cadre de discussions conventionnelles ou dans celui de négociations spécifiques ».

Par ailleurs, l’Autorité réaffirme, dans le prolongement d’un précédent avis2, le caractère pro-concurrentiel des réseaux de soins agréés (MGEN, Santéclair, Itelis, Groupama…) et l’effet positif de cette régulation contractuelle du monopole des chirurgiens-dentistes.


(1) Décisions du Conseil de la concurrence n° 89-D-36 relative aux pratiques relevées sur le marché des prothèses dentaires et n° 03-D-52 relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Haute-Savoie et la Confédération nationale des syndicats dentaires
(2) Avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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