Santé

Secteur des verres optiques : l’Autorité de la concurrence sanctionne à hauteur de 81 067 400 euros la societé Essilor International SAS et sa société mère EssilorLuxottica SA pour pratiques commerciales discriminatoires

Verres optiques

L’essentiel

À la suite d’opérations de visite et de saisie, d’auditions et d’échanges avec les principaux acteurs du secteur des verres optiques, l’Autorité de la concurrence sanctionne, à hauteur de 81 067 400 euros,  la société Essilor International SAS, pour avoir, durant 11 ans et 7 mois, mis en œuvre des pratiques commerciales discriminatoires visant à entraver le développement en France, de la vente en ligne de verres correcteurs. La société EssilorLuxottica SA, est quant à elle, en tant que société mère, sanctionnée solidairement avec la société Essilor International SAS, à hauteur de 15 400 000 euros.

EssilorInternational SAS, acteur notoire de la fabrication et distribution en gros de verres optiques

Essilor International SA est le principal fabricant et distributeur en gros de verres optiques en France. Dominant sur le marché français, Essilor est également le leader mondial de la fabrication de verres correcteurs.

Essilor International SA produit plusieurs types de verres catégorisés comme « simples [1] » ou « complexes [2] ».

Depuis octobre 2018, Essilor International SAS est devenue la société Essilor Luxottica, nouvelle holding détenant 100 % des sociétés Essilor International SAS – dans laquelle toutes les filiales anciennement détenues par Essilor International SAS ont été transférées ainsi que la société Luxottica Group SpA (spécialisée dans la fabrication et la production de lunettes).

Le marché de la distribution de verres correcteurs en France

Depuis le début des années 2000, le secteur a connu d’importantes évolutions, liées notamment aux assouplissements de la  réglementation afin d’encourager le développement de la vente en ligne de ces produits et  de faire baisser les prix, plus élevés que dans les pays voisins. 

En France, la distribution des verres correcteurs et des lunettes d’optique s’effectue via plusieurs canaux :

  • boutiques physiques
  • « pure players », c’est-à-dire via des sites internet n’ayant pas de points de vente physiques
  • revendeurs dits « cross-canal », c’est-à-dire via des opérateurs ayant à la fois des points de vente physiques et des sites internet. Au sein de cette catégorie, certains distributeurs imposent le passage du consommateur par un point de vente physique avant l’achat, quand d’autres permettent que l’achat soit intégralement effectué en ligne. Il s’agit alors d’une « offre mixte ». 

Face à l’essor de la vente en ligne, canal sur lequel elle n’était pas positionnée en France ; Essilor, a, du 29 avril 2009 au 23 décembre 2020, mis en œuvre des pratiques discriminatoires visant à entraver le développement, de ce canal de distribution.

Infographie

Essilor a imposé aux opérateurs de vente en ligne des restrictions en matière de livraisons, de communication et de garanties

L’Autorité a, tout d’abord, constaté  qu’Essilor était en position dominante sur le marché français de la distribution en gros de verres correcteurs, compte tenu de l’importance et de la stabilité de sa part de marché, de la densité et de la fiabilité de son réseau de distribution, de sa présence à tous les niveaux de la chaîne de valeur du secteur ainsi que de l’absence de contre-pouvoir de la demande.

Elle a, par ailleurs, estimé qu’Essilor avait abusé de cette position dominante en mettant en œuvre une politique commerciale discriminatoire visant à entraver le développement en France des sites de vente en ligne, au premier rang desquels ceux proposant une offre mixte ou tout en ligne, tels Sensee, Happyview ou DirectOptic.

  • Les restrictions en matière de livraisons de verres de marque Essilor, de communication sur l’origine des verres et d’utilisation des marques et logos d’Essilor

Afin d’empêcher les sites de vente en ligne de proposer des verres de marques Essilor ou Varilux aux consommateurs, la stratégie élaborée par Essilor dès 2009 a consisté, non seulement à refuser de leur livrer des verres de marque, mais également à leur interdire d’utiliser les marques et logos d’Essilor et de communiquer sur l’origine des verres.

Au cours de l’instruction, Essilor n’a apporté aucun élément permettant de considérer que ces restrictions étaient justifiées par les prétendues différences, notamment en termes de fiabilité des prises de mesures, existant entre les opticiens exerçant leur activité dans des magasins physiques et ceux exerçant leur activité en ligne. En revanche, l’Autorité a relevé que ces restrictions répondaient à la  très forte attente protectionniste des opticiens physiques à l’égard du groupe Essilor. Ces derniers, pouvaient, en effet,  contrairement aux sites en ligne être autorisés à utiliser le logo d’Essilor sous réserve du respect de règles claires et objectives. L’Autorité a également relevé qu’Essilor, tout en s’opposant en France à la vente en ligne de verres correcteurs, commercialisait parallèlement ce type de verres à l’étranger, tant sur ses propres sites que sur des sites tiers.

  • Limitation de garantie

Essilor a également mis en œuvre des limitations de garantie vis-à-vis des opérateurs de vente en ligne. En effet, Essilor indiquait dans ces conditions générales de vente que  la prise en charge par Essilor de la garantie adaptation est conditionnée  au respect, par le détaillant, d’un protocole de prise de mesures exclusivement conçu pour la vente en magasin. L’Autorité a relevé  qu’en cas de non-respect de ce protocole, le remplacement des verres est à l’entière charge du détaillant, ce qui dans les faits n’a pu que pénaliser les sites de vente en ligne.

Des pratiques qui ont limité l’accès des consommateurs à un canal de vente alternatif et  favorisé le maintien de prix élevés

Ces pratiques, qui sont intervenues dans un secteur de la santé publique caractérisé par des prix élevés présentent, selon l’Autorité,  un certain degré de gravité.

Alors que les sites de vente en ligne proposent  une grande compétitivité en termes de prix  et répondent à la volonté des pouvoirs publics d’encourager un mode de commercialisation propice à la baisse des prix, les pratiques commerciales discriminatoires d’Essilor ont pu favoriser le maintien des prix des lunettes de vue à des niveaux élevés et en augmentation au cours de la période infractionnelle.

Elles ont, par ailleurs, contribué à limiter le choix et l’information des consommateurs, alors même que, comme l’Autorité l’a relevé, l’accès aux produits d’Essilor et la communication sur ce point présentait un enjeu crucial en termes de crédibilité pour le canal émergent de la vente en ligne, au regard de la notoriété inégalée de ces produits.

Les sanctions prononcées

Au regard de l’ensemble de ces éléments, et en prenant également en considération la durée particulièrement longue de l’infraction - 11 ans et 7 mois - ainsi que l’appartenance à un groupe d’envergure mondiale, leader dans son domaine, l’Autorité de la concurrence sanctionne, pour pratiques commerciales discriminatoires, la societé Essilor International SAS à hauteur de 81 067 400 euros (dont 15 400 000 euros en solidarité avec EssilorLuxottica SA, sa société mère). 

 

[1] Des verres simples sont des verres ne nécessitant pas d’ajustements.

[2] Les verres complexes regroupent plusieurs types de verres « qui exigent un protocole de prises de mesures nécessitant à minima les mesures de l’écart et de la hauteur pupillaire ».

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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