Saisie à l’origine par des éleveurs, l’Autorité de la concurrence sanctionne huit abatteurs de porcs ainsi que deux organismes professionnels pour avoir mis en œuvre plusieurs pratiques d’entente

 

 A la suite d’une saisine par quatre éleveurs porcins d’Ille-et-Vilaine, complétée par une saisine d’office, l’Autorité rend aujourd’hui une décision par laquelle elle sanctionne à hauteur de 4,57 millions d’euros plusieurs pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur de l’abattage et de la commercialisation du porc charcutier. Certaines de ces pratiques ont pu être mises au jour grâce à des opérations de visite et saisie menées par les services d’instruction de l’Autorité dans plusieurs entreprises et organismes professionnels.

La principale pratique sanctionnée est une fixation concertée des quantités de porcs achetées par cinq grands abatteurs bretons (Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes) dans le but, notamment, de faire baisser le prix du porc payé aux éleveurs – le montant des sanctions prononcées à ce titre s’élève à 4 512 621 €.

L’Autorité a également sanctionné le syndicat professionnel des abatteurs (SNCP1, devenu depuis French Meat Association) pour avoir diffusé des consignes de prix, ainsi que d’autres pratiques d’ententes entre les abatteurs, dont le périmètre ou la durée ont été plus limités.

La majeure partie des entreprises et organismes en cause (8 sur 10) n’ont pas contesté les faits, leur qualification juridique et leur responsabilité dans ces infractions. Certains ont, en outre, pris des engagements pour l’avenir et ont ainsi obtenu des réductions de sanction supplémentaires.

Au total, les sanctions se répartissent comme suit :

Entreprises d’abattage
Total des sanctions imposées,
en €
Socopa Viandes et Groupe Bigard
(conjointement et solidairement) 
 
1 757 177
 
Groupe Bigard 
1 345 438
 
Abera 
595 233
 
Bernard 
577 313
 
Gad/Financière du Forest
(conjointement et solidairement) 

257 397
 
Cooperl 
18 288
 
Kermené
7 000
 
AIM/HAIM
(conjointement et solidairement) 

2 460
 

 

Organismes professionnels Total des sanctions imposées, en €
French Meat Association (ex-SNCP)
13 500
 

Fédération des acheteurs au cadran (FAC)
 
2 700

 

Cinq abatteurs se sont concertés en 2009, durant plusieurs mois, afin de diminuer de manière coordonnée leurs achats de porcs charcutiers, au détriment des éleveurs

Les entreprises d’abattage de porcs Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes se sont entendues pour diminuer de façon coordonnée leurs abattages de porcs au cours de l’année 2009, sur des périodes successives couvrant au total 12 semaines.

Cette diminution concertée des abattages a visé à influer sur le prix du porc au Marché du porc breton (MPB), qui sert de référence au niveau national. En effet, la baisse artificielle de la demande de porcs vivants a engendré des baisses de prix significatives au détriment des éleveurs-producteurs.

La pratique a été mise en œuvre par de grands abattoirs (représentant 70 % des achats de porcs au MPB et 50 % des achats de porcs sur la zone Uniporc Ouest, qui regroupe 80 % de l’activité d’élevage de porcs en France) vis-à-vis d’éleveurs peu à même de déjouer les effets de cette entente occulte, la mise en vente des porcs par ces derniers dépendant fortement de la maturité des bêtes, au regard des exigences de qualité propres à la viande porcine.

Aucun des cinq abatteurs en cause n’a contesté avoir mis en œuvre ces pratiques.

Le Syndicat national du commerce de porc (SNCP) a diffusé des consignes de prix à ses adhérents, pendant plusieurs années et de façon répétée, dans le but de contrer les promotions sur la viande de porc fraîche à la découpe organisées par la grande distribution

La grande distribution organise traditionnellement en janvier et en septembre des promotions sur la viande de porc. Considérant que ces niveaux de prix très bas étaient « nuisibles à la rentabilité et à l’image de la filière », le SNCP a diffusé de façon répétée, entre décembre 2004 et août 2009, des communiqués et des circulaires invitant les abatteurs à ne pas accepter de vendre leur viande porcine aux enseignes de la grande distribution en-deçà d’un certain prix de référence.

Ces consignes de prix constitutives d’une action concertée anticoncurrentielle ont été diffusées pendant plusieurs périodes de promotion, en dépit du rappel à la loi effectué par les services du ministre chargé de l’économie.

Le SNCP n’a pas contesté avoir mis en œuvre de telles pratiques. Une sanction de 10 800 € lui a été infligée à ce titre.

D’autres pratiques d’entente ont par ailleurs été sanctionnées

Les abatteurs Cooperl Arc-Atlantique et Gad ont été respectivement sanctionnés à hauteur de 13 288 € et de 1 097 € pour s’être entendus à l’encontre de l’enseigne Auchan, en mai et juin 2009, sur un prix minimum de vente de la longe de porc sans os ainsi que sur les prix de la viande destinée à faire l’objet de promotions nationales dans certains magasins de cette enseigne. Ces pratiques ont renchéri artificiellement le prix de vente de la viande à ces magasins et donc au consommateur final.

Par ailleurs, sept abatteurs (Abera, AIM Groupe, Bernard, Cooperl Arc-Atlantique, Gad, Groupe Bigardet Kermené) ainsi que le SNCP et l’association Fédération des acheteurs au cadran (FAC) ont été sanctionnés pour s’être concertés, les 2 et 5 septembre 2005, en déterminant, en l’absence de fonctionnement du marché au cadran, un prix unique pour leurs achats directs auprès des éleveurs, le SNCP diffusant au travers d’un communiqué à l’ensemble des abattoirs le prix concerté à pratiquer. Compte tenu de la durée extrêmement brève de cette dernière infraction et de ses effets limités, les sanctions imposées à ce titre sont comprises entre 2 460 et 7 000 €.

Des sanctions proportionnées à la situation individuelle de chaque entreprise et organisme, dans le contexte économique difficile de la filière porcine

L’Autorité de la concurrence a fixé le montant des sanctions en tenant compte de la gravité des faits et de l’importance – dans la plupart des cas très limitée – du dommage causé à l’économie par les différentes infractions relevées. Elle les a aussi adaptées à la situation individuelle de chaque entreprise et organisme sanctionné. A cet égard, l’Autorité a pris en considération le fait qu’une partie des entreprises en cause étaient « mono-produit », c’est-à-dire actives pour l’essentiel dans le seul secteur concerné. Les entreprises Gad, Abera et Bernard ont ainsi bénéficié respectivement d’une baisse de leurs sanctions de 60 %, 50 % et 50 %.

Dans son appréciation, l’Autorité a également pris en considération différents éléments liés au contexte économique difficile affectant les opérateurs de la filière porcine, ainsi que l’existence d’un fort contre-pouvoir détenu par les enseignes de la distribution alimentaire.

Huit mis en cause sur dix n’ont pas contesté les griefs et certains d’entre eux ont décidé de prendre des engagements de conformité, obtenant une réduction de sanction supplémentaire

Les huit entreprises et organismes qui n’ont pas contesté les griefs notifiés par les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence (Abera, AIM, Bernard, Gad, Groupe Bigard, Socopa Viandes, la French Meat Association – ex-SNCP – et la FAC) ont vu les sanctions qu’ils encouraient réduites à ce titre.

En outre, trois d’entre eux ont décidé d’adopter un programme de conformité au droit de la concurrence afin de prévenir la réitération de telles pratiques. Ils ont obtenu une réduction de sanction supplémentaire, la réduction de sanction au titre de la non-contestation des griefs et des engagements atteignant ainsi 18 %.

• Bernard et Groupe Bigard - Socopa Viandes s’engagent à mettre en œuvre un programme de conformité aux règles de concurrence prévoyant la mise en place d’un système d’audit et de contrôle, des activités de formation, ainsi qu’un contrôle régulier de la mise en œuvre effective du programme.

• AIM et HAIM s’engagent à mettre en œuvre un programme de conformité aux règles de concurrence prévoyant notamment des instructions écrites à l’attention des salariés en contact avec les fournisseurs, clients et concurrents, des activités de formation, et la mise en place d’un système d’audit et de contrôle.

Enfin, les entreprises Gad et Financière du Forest ayant invoqué des difficultés financières, une réduction supplémentaire de sanction a été opérée les concernant, prenant en compte la capacité contributive amoindrie de ces entreprises. Ainsi, la sanction pécuniaire infligée à ces sociétés au titre du principal grief (limitation de production) a été réduite de plus de 80 %, passant de 1 313 420 € à  250 000 €.
 


La régularisation du fonctionnement du marché du porc breton par rapport aux règles de concurrence
 

Dans le cadre de sa décision, l’Autorité a pris acte des modifications apportées par les parties, de leur propre initiative, à certains aspects du fonctionnement du marché du porc breton. Ce dernier n’a pas lui-même été mis en cause dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à la décision.

Au contraire, l’Autorité a tenu compte, à la fois dans son analyse des pratiques et dans la détermination des sanctions, des mécanismes mis en place au sein du marché du porc breton en vue d’assurer une certaine stabilisation des variations de prix engendrées, notamment, par la volatilité des cours des matières premières.

Elle a dans ce contexte notamment écarté un des griefs notifiés aux entreprises, en constatant que certaines informations échangées sur des intentions possibles de comportement d’achat n’apparaissent pas anticoncurrentielles dans le contexte spécifique du marché par enchères bi-hebdomadaires régulant le secteur du porc breton.
 


(1) Syndicat national du commerce de porc (SNCP), devenu French Meat Association le 15 décembre 2009


 

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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