L’Autorité de la concurrence publie un projet de communiqué expliquant la méthode qu’elle suit pour déterminer les sanctions imposées en cas d’infraction aux règles de concurrence

 


A l’occasion de la cérémonie des vœux de l’Autorité de la concurrence, son président, Bruno Lasserre a annoncé officiellement le lancement de la consultation publique sur les sanctions, conformément aux engagements qu’il avait réaffirmés à l’été 2010. Le projet de communiqué expliquant la méthode suivie pour déterminer les sanctions imposées dans les affaires de cartel, d’entente dans le cadre d’appels d’offres ou d’abus de position dominante est en ligne sur le site de l’Autorité de la concurrence.

Le projet de communiqué publié par l’Autorité accroît la transparence sur la méthode suivie pour déterminer les sanctions en matière de concurrence, afin d’enrichir la discussion avec les entreprises avant la prise de décision par le collège. Cette méthode, à la fois prévisible et pragmatique, permet de concilier les impératifs d’individualisation et de dissuasion, en proportionnant la sanction prononcée dans chaque affaire à la gravité de l’infraction, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation individuelle de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

Une large consultation publique, pour enrichir la réflexion

L’initiative de l’Autorité s’inscrit dans le cadre d’une réflexion approfondie sur les sanctions. Elle tient compte à la fois des bonnes pratiques convenues par les différentes autorités de concurrence d’Europe en mai 20081et du rapport publié en septembre 2010 par la mission constituée par la ministre de l’économie, Christine Lagarde2.

Dans son rapport, cette mission a constaté l’existence d’une large convergence de vues, aussi bien au sein des autorités de concurrence que parmi les personnes auditionnées (essentiellement des représentants d’entreprises, d’avocats et d’économistes, mais aussi de consommateurs), sur la méthode à suivre pour structurer en pratique la détermination des sanctions. Elle a fait un ensemble de propositions sur la base de ce constat. Ces propositions ont largement nourri la réflexion de l’Autorité, qui a aussi entamé un dialogue relatif aux sanctions avec les juridictions de contrôle.

La publication du projet de l’Autorité marque le lancement d’une large consultation publique, comme cela a été fait notamment en matière de concentrations3, en vue de recueillir les observations de l’ensemble des acteurs intéressés (associations de consommateurs, entreprises, cabinets spécialisés, universitaires, mais aussi autorités européennes de concurrence).

Cette consultation publique, ouverte jusqu’au 11 mars, sera suivie d’une table ronde, prévue le 30 mars, qui permettra d’échanger les points de vue avant la publication d’un document finalisé.


Un document dédié, pour rendre la détermination des sanctions plus transparente et prévisible

Le communiqué vise à accroître la transparence et à nourrir la discussion contradictoire en amont de la prise de décision par le collège. Il explique les différentes étapes de la méthode suivie en pratique par l’Autorité pour appliquer les critères prévus par le code de commerce4. Il évoque aussi les principaux éléments pouvant être pris en compte par l’Autorité, en fonction des circonstances propres à chaque cas d’espèce, pour déterminer les sanctions.

Le document, qui reprend les principaux enseignements de la pratique décisionnelle de l’Autorité, et avant elle du Conseil de la concurrence, est cohérent avec les bonnes pratiques partagées par les autres autorités de concurrence d’Europe. Il s’en distingue cependant sur plusieurs points sur lesquels le droit français présente des spécificités, comme l’importance du dommage causé à l’économie, élément qui permet de tenir compte de toutes les incidences d’une pratique anticoncurrentielle sur l’économie et sur les consommateurs, et pas seulement de la hausse de prix qu’elle peut entraîner.

La Cour de justice de l’Union européenne a en effet jugé que les autorités nationales de concurrence, qui sont compétentes pour faire respecter l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), doivent assurer la cohérence et l’effectivité des sanctions imposées dans ce but5.


Des sanctions proportionnées à chaque situation individuelle

En pratique, l’Autorité apprécie d’abord la gravité de l’infraction et l’importance du dommage causé à l’économie. Pour donner une traduction chiffrée à cette appréciation, l’Autorité retient ensuite une proportion de la valeur des ventes en relation avec l’infraction. La pratique des autres autorités de concurrence et les points de vue recueillis par la mission sur les sanctions convergent pour considérer la valeur des ventes comme un point de référence reflétant l’ampleur économique de l’infraction.

Cette proportion est définie au cas par cas. Le projet de communiqué ne comporte pas de droit d’entrée automatique, à la différence du rapport remis à la ministre de l’économie qui le fixait à 5 % de la valeur des ventes. En effet, une partie des plaintes soumises à l’Autorité, qui n’a pas l’opportunité des poursuites, peuvent concerner des pratiques ne justifiant pas un tel droit d’entrée. La proportion retenue par l’Autorité peut donc être comprise entre 0 et 30 %, en fonction de l’appréciation portée tant sur la gravité de l’infraction que sur l’importance du dommage causé à l’économie6.

Le montant de base ainsi obtenu peut ensuite être modulé, aussi bien à la baisse qu’à la hausse, pour tenir compte du comportement de chaque contrevenant et de sa situation individuelle. Des circonstances atténuantes ou aggravantes peuvent être prises en compte, de même que le fait que l’entreprise concernée n’opère que sur un seul secteur (entreprise « mono-produit »), qu’elle est une PME ou qu’elle fait partie d’un groupe. La réitération est également prise en considération.

Enfin, l’Autorité intègre, s’il y a lieu, l’exonération ou la réduction accordée au titre de la procédure de clémence7 ou de non contestation des griefs8, avant de s’assurer que le montant final n’excède pas le maximum légal9 et d’examiner, lorsqu’une entreprise le demande, si des difficultés financières particulières l’empêchent de payer tout ou partie de la sanction due.

Certaines ententes portant sur des appels d’offres font l’objet d’un traitement à part, compte tenu de leurs spécificités.


Un document pragmatique et flexible, destiné à être complété par d’autres projets

Le projet de l’Autorité n’aborde pas toutes les questions susceptibles de se poser dans le cadre de la détermination des sanctions, qui dépendent des particularités propres à chaque cas d’espèce. C’est la raison pour laquelle le document ne prévoit ni barème ni formule arithmétique, et préserve la marge de flexibilité nécessaire pour garantir l’individualisation des sanctions au cas par cas.

En particulier, le projet n’aborde pas la question des programmes de conformité, qui sont susceptibles d’être pris en compte, lorsqu’ils répondent à certaines exigences, dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de non contestation des griefs. Cette question, qui fait déjà l’objet d’une pratique décisionnelle étoffée de l’Autorité, sera en effet traitée dans deux documents dédiés, qui seront prochainement mis en chantier : un communiqué de procédure sur la non contestation des griefs et un document cadre sur la conformité.

 

1 Les sanctions pécuniaires des entreprises en droit de la concurrence, principes pour une convergence, document publié par l’ECA (association des autorités de concurrence d’Europe) en mai 2008, à l’issue des travaux d’un groupe de travail co-présidé par les autorités de concurrence française et italienne.
2 L’appréciation de la sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles, rapport remis à la ministre de l’économie par MM. Jean-Martin Folz, président de PSA, Christian Raysseguier, premier avocat général à la Cour de cassation et Alexander Schaub, avocat, le 20 septembre 2010. Disponible à l’adresse suivante : <www.economie.gouv.fr/services/rap10/100920rap-concurrence.pdf>.
3 Lignes directrices du 16 décembre 2009 en matière de contrôle des concentrations.
4 I de l’article L. 464-2 du code de commerce
5 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 11 juin 2009, X BV (affaire C-429/07)
6 Le rapport remis à la ministre de l’économie préconisait de donner une place centrale à la gravité des faits, de retenir une proportion comprise entre 5 et 15 % de la valeur des ventes pour la refléter, et de ne tenir compte qu’à titre subsidiaire de l’importance du dommage causé à l’économie. Ces propositions avaient été critiquées au motif qu’elles instituaient une hiérarchie non prévue par la loi. Le projet de l’Autorité reflète le fait que la loi met ces deux critères sur le même pied.
7 IV de l’article L. 464-2 du code de commerce
8 III de l’article L. 464-2 du code de commerce
9 I de l’article L. 464-2 du code de commerce

Pour plus de détails, consulter :

- le texte intégral du projet de communiqué soumis à la consultation publique

- le tableau comparatif des méthodes utilisées par les principales autorités de concurrence pour déterminer les sanctions

La cérémonie des vœux a été l’occasion de faire un bilan de l’activité de l’Autorité de la concurrence en 2010. Pour plus de détails, consulter :
 
- les chiffres de l’activité 2010

- la vidéo de l’allocution prononcée par le Président Lasserre
 

 

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Virginie Guin
Virginie Guin
Directrice de la communication
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