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Opérations de concentration sous les seuils : l’Autorité de la concurrence poursuit ses travaux pour proposer une réforme équilibrée permettant d’assurer un contrôle efficace et une sécurité juridique suffisante aux entreprises

Seuil des concentrations

À la suite de la consultation publique relative aux modalités d’introduction d’un système de contrôle des concentrations susceptibles de porter atteinte à la concurrence et ne franchissant pas les seuils de notification en vigueur, l’Autorité de la concurrence poursuit ses travaux pour proposer une réforme équilibrée permettant d’assurer un contrôle efficace et une sécurité juridique suffisante aux entreprises

Rappel de la problématique des opérations de concentration sous les seuils de contrôle

Dans le cadre de travaux menés à partir de 2017, l’Autorité de la concurrence (« l’Autorité ») a constaté l’existence d’opérations impliquant des entreprises qui jouent ou sont susceptibles de jouer un rôle concurrentiel important sur les marchés en cause mais qui échappent à son contrôle des concentrations en raison de la faiblesse du chiffre d’affaires de la cible au moment de l’opération envisagée. L’arrêt Illumina/Grail du 3 septembre 2024 de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») a limité la portée de l’article 22 du règlement de l’Union sur les concentrations, remettant ainsi en cause le mécanisme qui permettait de contrôler ce type d’opérations en France. Dans l’hypothèse où les seuils en vigueur ne permettent pas à l’Autorité de contrôler certaines opérations susceptibles d’avoir une incidence significative sur la concurrence, la CJUE a spécifiquement invité le législateur de l’Union et les États membres à intervenir.

Dans ce cadre, l’Autorité a lancé, le 14 janvier 2025, une consultation publique afin d’éclairer ses réflexions sur une éventuelle évolution du cadre légal en matière de contrôle des concentrations sous les seuils de notification en vigueur. Deux nouvelles modalités d’intervention ont été soumises à consultation : un pouvoir d’évocation ciblé encadré par des critères quantitatif et qualitatif, similaire aux mécanismes en vigueur dans dix pays européens (Option 1) ; ou un nouveau critère de notification obligatoire pour certaines entreprises identifiées par des décisions antérieures comme disposant d’un certain pouvoir de marché (Option 2). L’Autorité a par ailleurs rappelé que certaines opérations de concentration sous les seuils pouvaient constituer des pratiques anticoncurrentielles (entente ou abus de position dominante).

Les principaux apports de la consultation publique sur les deux options qui appelleraient une modification du cadre légal applicable

L’Autorité se félicite d’abord du grand nombre et de la qualité des contributions reçues puisque 26 parties prenantes – cabinets d’avocats, entreprises, universitaires, organisations professionnelles, associations de consommateurs et organisations non gouvernementales – ont répondu à sa consultation, soit près de deux fois plus que lors de la précédente consultation publique en 2018. Les contributions reçues reflètent des perspectives françaises mais également européennes et américaines.

Quelle que soit l’option envisagée, les contributeurs font ressortir la nécessité de trouver un équilibre entre, d’une part, un contrôle efficace par l’Autorité des seules opérations potentiellement néfastes pour la concurrence sur le territoire français et, d’autre part, une sécurité juridique et une prévisibilité suffisantes pour les entreprises, dans l’ensemble des secteurs, avec des préoccupations plus marquées dans certains secteurs innovants.

En premier lieu, l’Autorité prend note des fortes critiques exprimées à l’encontre de l’Option 2. D’une part, la mise en œuvre de ce dispositif, dans chacune des trois branches qui avaient été envisagées (référence à des décisions antérieures adoptées en contrôle des concentrations, en pratiques anticoncurrentielles ou sur le fondement du règlement de l’Union sur les marchés numériques, « DMA »), soulèverait plusieurs questions juridiques et, s’agissant de sa troisième branche, des difficultés d’articulation avec le règlement précité. D’autre part, le dispositif pourrait conduire au contrôle d’opérations non problématiques, ce qui alourdirait à la fois la charge pesant sur les entreprises et sur l’Autorité, alors que certaines opérations méritant un examen pourraient, à l’inverse, échapper au contrôle.

En second lieu, l’Autorité relève que l’option consistant à doter l’Autorité d’un pouvoir d’évocation fondé sur la base de critères quantitatif et qualitatif (Option 1) est mieux accueillie, même si les répondants appellent à préciser ses critères et ses modalités d’application. Son avantage principal réside dans le fait que ce pouvoir permet de soumettre au contrôle de l’Autorité, de manière ciblée, uniquement des opérations potentiellement préjudiciables qui ne franchissent pas les seuils de notification en vigueur, en évitant la notification d’opérations non problématiques et en laissant à l’Autorité la flexibilité nécessaire pour agir en cas de besoin. L’Autorité porte toutefois une attention particulière aux préoccupations exprimées par plusieurs répondants concernant les risques potentiels d’insécurité juridique et les éventuelles conséquences financières et administratives d’un tel mécanisme, en particulier pour les PME et les start-ups, et veillera à en tenir compte dans le cadre de ses réflexions.

S’agissant de la mise en œuvre des dispositions en matière de pratiques anticoncurrentielles à l’égard d’opérations de concentration postérieurement à leur réalisation, la majorité des répondants estime que celle-ci doit rester l’exception, pour des raisons à la fois juridiques et opérationnelles. En tout état de cause, cette hypothèse n’appelle aucune modification législative.

Les travaux de l’Autorité se poursuivent pour proposer un système équilibré permettant d’assurer un contrôle efficace et une sécurité juridique suffisante aux entreprises

Tenant compte des principaux apports de la consultation publique et de l’expérience des dix États membres de l’Espace économique européen qui appliquent des dispositions similaires, l’Autorité poursuit ses travaux en vue de l’introduction d’un pouvoir d’évocation qui devra reposer sur des critères clairs pour les entreprises et leurs conseils, parmi lesquels :

  • un seuil en chiffre d’affaires qui puisse être aisément apprécié par les entreprises concernées ;

  • un critère de rattachement au territoire français qui permette d’éviter que des opérations de concentration qui n’auraient pas de conséquences sur le territoire national tombent dans le champ du dispositif ;

  • un critère permettant de qualifier un risque pour la concurrence sur le territoire français ;

  • des délais de mise en œuvre du pouvoir d’évocation qui soient clairement définis et suffisamment courts pour assurer la prévisibilité nécessaire aux entreprises.

L’Autorité s’engage par ailleurs, si un tel mécanisme devait être adopté, à publier des lignes directrices pour préciser les modalités concrètes de sa mise en œuvre, notamment les conditions dans lesquelles une opération de concentration serait susceptible de soulever des problèmes de concurrence justifiant la mise en œuvre du pouvoir d’évocation de l’Autorité.

Dans les prochains mois, l’Autorité précisera les contours de ce pouvoir d’évocation, afin qu’il permette un contrôle efficace des opérations potentiellement problématiques ne franchissant pas les seuils de notification en vigueur et qu’il réponde aux principales préoccupations exprimées par les parties prenantes à la consultation publique. L’Autorité ambitionne de parvenir à une proposition qu’elle soumettra aux pouvoirs publics dans le courant de l’année 2025.

L’intégralité des réponses à la consultation publique est disponible sur le site internet de l’Autorité.

Réponses à la consultation publique

Intégralité des contributions à la consultation publique sur l'introduction d'un système de contrôle des concentrations pour les opérations sous les seuils de notification

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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