L’Autorité de la concurrence se félicite de l’adoption de ce texte, qui comporte des avancées majeures pour la modernisation du droit de la concurrence.

L'essentiel

L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite directive ECN +, a été adoptée en conseil des ministres le 26 mai 2021.

Ce texte constitue la dernière étape du processus de modernisation du droit de la concurrence et des outils dont dispose l’Autorité de la concurrence. Après le renforcement du contrôle européen des concentrations s’agissant des opérations « sous les seuils » (avec les nouvelles possibilités de renvoi à la Commission européenne dans le cadre de l’article 22 du règlement européen de 2004) annoncé par Margrethe Vestager en novembre 2020, puis la rationalisation des procédures « de droit interne » de l’Autorité (par exemple, présence d’un seul officier de police judiciaire par site lors d’une opération de visite et saisie, possibilité pour un juge des libertés et de la détention unique de l’autoriser en plusieurs lieux du territoire et de contrôler son déroulement, suppression de l’avis de clémence, élargissement du champ d’application de la procédure contentieuse simplifiée) résultant directement de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (« loi DDADUE »), la transposition par la présente ordonnance de la directive ECN + parachève la modernisation des outils de l’Autorité. Ce nouveau cadre juridique donnera à l’Autorité les moyens d’appliquer plus efficacement et plus vite le droit de la concurrence, et la dote de nouveaux outils puissants et adaptés aux enjeux contemporains, notamment ceux soulevés par le développement des grandes plateformes.

Ce texte, qui procède de l’habilitation donnée par la loi DDADUE en vue de transposer par ordonnance la directive ECN +, inaugure de nouveaux pouvoirs pour l’Autorité et ses homologues dans les autres Etats membres de l’Union européenne, pour plus d’efficacité et d’homogénéité dans l’application des règles de concurrence au sein du marché intérieur.

Les avancées majeures de l’ordonnance pour l’Autorité

Modifiant sur nombre de points les dispositions du code de commerce, la directive ECN+ désormais transposée en droit interne comporte plusieurs avancées majeures pour l’Autorité de la concurrence.

  1. L’Autorité aura désormais la faculté de fixer ses propres priorités et de rejeter les plaintes qui n’y correspondent pas. Cette capacité, connue sous le terme « d’opportunité des poursuites » rendra possible une meilleure allocation de ses ressources, qui pourront être pleinement consacrées à la résolution rapide des affaires les plus importantes (notamment les affaires, complexes, qui concernent les grandes plateformes numériques ou les processus algorithmiques).
     
  2. L’Autorité aura désormais la possibilité de se saisir d’office pour imposer des mesures  conservatoires, et non plus seulement en suite d’une demande présentée par une entreprise, accessoirement à une demande au fond. L’Autorité se félicite de cette opportunité nouvelle d’intervenir sans délai, de son propre mouvement, lorsqu’elle a connaissance d’agissements pouvant nuire à la concurrence, en particulier dans des secteurs où les positions des acteurs évoluent très rapidement.
     
  3. La possibilité pour l’Autorité de prononcer des injonctions structurelles (par exemple la cession d’une filiale ou d’une activité) aussi bien que comportementales, dans le cadre d’un contentieux, est pleinement consacrée alignant ainsi les pouvoirs de l’Autorité sur ceux de la Commission européenne.
     
  4. La procédure de clémence, par laquelle une entreprise qui révèle à l’Autorité une infraction grave aux règles de concurrence peut solliciter une exonération de la sanction pécuniaire encourue, est désormais pleinement inscrite dans le droit positif. Reprenant largement les termes du programme de clémence précédemment mis en œuvre par l’Autorité dans un cadre de droit souple, ces nouvelles dispositions harmonisent cette procédure à l’échelle européenne. L’incitation pour les entreprises à mettre au jour d’éventuelles ententes secrètes est encore renforcée puisqu’une immunité, ou une réduction, de sanction pénale peut en outre être obtenue, sous condition, par les personnes physiques appartenant au personnel de l’entreprise qui a, la première, formé une demande de clémence.
     
  5. La possibilité pour l’Autorité d’accéder aux données des entreprises faisant l’objet d’une investigation, quel qu’en soit le lieu de stockage, et d’accéder aux clés de chiffrement, est pleinement consacrée, pour préserver l’efficacité des enquêtes aujourd’hui menées.  Par ailleurs, les nouvelles dispositions soumettent les procédures de l’Autorité au standard dit de la « liberté de la preuve », applicable en matière pénale, ce qui élargira le champ des preuves recevables.
     
  6. Le régime des sanctions pécuniaires est désormais plus dissuasif et mieux harmonisé au niveau européen. Les organismes – dorénavant les « associations d’entreprises » – ne relèvent plus d’un régime spécifique de sanction en cas d’infraction aux règles de concurrence (ils bénéficiaient jusqu’alors d’un plafond de sanction de 3 millions d’euros), mais sont désormais soumis à un plafond beaucoup plus élevé, égal à 10 % du total des chiffres d’affaires des entreprises membres de l’association. Ceci concernera notamment les syndicats professionnels ou les ordres professionnels.
     
  7. Les critères de détermination du montant des sanctions seront désormais unifiés et alignés avec ceux pratiqués par la Commission européenne, au regard des seules notions classiques de gravité et de durée de l’infraction, la référence que faisait précédemment la loi à la notion de « dommage à l’économie » étant supprimée.
     
  8. Enfin, la coopération européenne entre autorités nationales de concurrence est renforcée (obligations d’information réciproque entre autorités du réseau européen de concurrence, extension de l’assistance entre autorités, notamment pour les opérations de visite et saisie, la notification des actes de procédure et le recouvrement du montant des sanctions).

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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