L’Autorité de la concurrence sanctionne les chocolats De Neuville pour avoir entravé la liberté commerciale de ses franchisés

Chocolats

L'essentiel

À la suite d'un rapport d'enquête transmis par la DGCCRF, l'Autorité de la concurrence sanctionne la société De Neuville pour avoir mis en œuvre des pratiques visant à restreindre, d'une part, la vente en ligne des chocolats de la marque De Neuville par ses franchisés, et, d'autre part, les ventes de ces derniers à destination de la clientèle professionnelle.

L'Autorité a en effet constaté que de 2006 à 2019, le dispositif contractuel liant le franchiseur à ses franchisés empêchait ces derniers de vendre librement leurs produits sur internet, la société De Neuville se réservant l'exclusivité des ventes en ligne.

Par ailleurs, l'Autorité a également relevé que de 2006 à 2022, la société De Neuville avait restreint la liberté commerciale des franchisés dans la prospection de la clientèle professionnelle.

L’Autorité a prononcé à l'encontre de De Neuville (solidairement avec sa société mère, Savencia Holding) une sanction de 4  068 000 euros, assortie d'une injonction de communication et de publication.

Le modèle de distribution des chocolats De Neuville

La société De Neuville est une société spécialisée dans la vente en gros et au détail de produits de chocolaterie. Implantée sur le territoire français uniquement, elle dispose de 154 points de vente [1] et représente le troisième réseau de distribution spécialisée de chocolats en France. Les magasins De Neuville sont exploités pour environ 90 % d’entre eux sous la forme de franchise, faisant de l’enseigne le premier réseau de chocolat français en franchise.

La relation entre le franchiseur et le franchisé se fait par le biais d’un contrat. Valable 7 ans, ce contrat ne peut être renouvelé tacitement. Ainsi, depuis 2006, l’Autorité a constaté que 17 versions du contrat de franchise se sont succédé, voire se sont superposé.

La signature du contrat s’accompagne de la remise aux franchisés d’un manuel opératoire qui comprend des dispositions relatives, en particulier, à l’utilisation de la marque de l’enseigne, à la société De Neuville, à la description des produits commercialisés, aux caractéristiques de l’offre, aux modalités de vente des produits, aux techniques de merchandising et à la gestion du point de vente. Le manuel comprend également des règles déontologiques auxquelles le contrat de franchise fait référence et qui comportent des stipulations en matière de vente en ligne sur internet et en matière de prospection commerciale réalisée hors boutiques. Depuis 2006, cinq versions des règles déontologiques du franchisé se sont succédé.

Le manuel opératoire comme le contrat s’imposent aux franchisés, leur non-respect pouvant conduire à une résiliation anticipée du contrat de franchise.

De Neuville a restreint les ventes en ligne pour ses franchisés

L’Autorité constate que de 2006 à 2014, les contrats de franchise comportaient une clause interdisant explicitement aux franchisés la vente en ligne : « Le Franchiseur possède l’exclusivité de la vente de ses produits et services pour ce qui concerne la vente par correspondance ou Internet ». S’il existait des dérogations pour les franchisés, ces derniers devaient recueillir l’accord exprès du franchiseur, et ne pouvaient commercialiser leurs produits sur leur site internet détenu en propre, seulement sur leur zone d’exclusivité territoriale.

A partir de 2014, cette clause ne figurait plus dans le contrat proprement dit mais subsistait dans une annexe au contrat. Ce n’est qu’en 2019 que De Neuville a modifié son dispositif contractuel, donnant ainsi la possibilité à ses franchisés de pratiquer des ventes en ligne.

L’instruction menée par l’Autorité auprès des franchisés a révélé qu’une grande partie d’entre eux considéraient qu’avant 2019, les stipulations litigieuses conduisaient de facto à une interdiction de vendre sur internet. L’Autorité constate d’ailleurs que depuis 2019 (date de fin des restrictions), des franchisés ont ouvert leur site internet.

De Neuville a restreint la liberté commerciale des franchisés dans la prospection de la clientèle professionnelle

L'instruction menée par l'Autorité a permis de constater que de 2006 à 2022, le dispositif contractuel élaboré par De Neuville avait conduit à créer un système de répartition des ventes aux professionnels entre les franchisés.

Les règles de déontologie encadraient largement la méthodologie commerciale devant être suivie par les franchisés pour identifier les clients potentiels et planifier les campagnes de démarchage.

Les franchisés devaient d'abord démarcher la clientèle professionnelle située sur leur zone de chalandise propre. Ils ne pouvaient prospecter d'autres zones territoriales que lorsque la zone de chalandise contractuellement attribuée était intégralement prospectée.

Par ailleurs, les franchisés ne pouvaient honorer les demandes non sollicitées émanant de la clientèle professionnelle que si elles respectaient la méthodologie applicable pour les sollicitations actives qui prévoyait une allocation et une coordination entre franchisés de ces contrats selon les zones géographiques concernées.

L’Autorité inflige à De Neuville une amende de 4 068 000 euros

Compte tenu de la durée des pratiques (respectivement 13 et 16 ans) et de l’appartenance de la société De Neuville à un groupe, l’Autorité sanctionne la société De Neuville (solidairement avec sa société mère, Savencia) d’une amende de 4 068 000 euros.

En outre, l’Autorité enjoint à De Neuville de communiquer à l’ensemble de ses franchisés le résumé de la décision. Elle devra également publier le résumé de cette décision sur son site internet et dans le journal Le Monde.

[1] Février 2022.

Conformité

Si un fournisseur est libre d’organiser son réseau de distribution comme il l’entend, il faut toutefois que cette organisation n’engendre pas de restriction de concurrence.

Le principe de libre organisation du réseau ne peut autoriser un fabricant à restreindre la liberté commerciale de ses revendeurs. Le fait d’interdire à ses distributeurs de vendre en ligne ses produits aboutit en effet à fausser la concurrence que doivent normalement se livrer les revendeurs, non seulement entre eux, mais également à l’égard du fabricant sur le canal de distribution de la vente en ligne. Cette règle demeure valable même si, comme dans la présente affaire, la distribution des produits concernés repose exclusivement ou quasi-exclusivement sur un réseau de distributeurs indépendants.

De même, le franchiseur ne peut imposer à ses franchisés un dispositif de répartition des ventes qui s’applique tant aux ventes actives qu’aux ventes passives.

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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