L’Autorité de la concurrence rend son avis à l’Arcep dans le cadre de la procédure d’analyse des marchés de gros du haut et très haut débit fixes

Fibre

L’essentiel

Dans le cadre du septième cycle d'analyse des marchés de gros du haut-débit et du très haut débit fixes pour la période 2024/2028, l'Arcep a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence sur trois projets de décisions. Sa demande d'avis portait, d'une part, sur la délimitation des marchés de produits et de services pour lesquels une intervention ex-ante est nécessaire, et, d'autre part, sur la désignation de l'opérateur considéré comme « exerçant une influence déterminante » sur ces différents marchés.

L'avis rendu par l'Autorité s'inscrit dans une période charnière, puisque ce septième cycle sera marqué par la mise en œuvre du plan de fermeture du réseau cuivre proposé par Orange. A la fin de ce plan, en 2030, tous les abonnés devraient avoir migré vers les réseaux en fibre optique, qui constituent désormais les réseaux de référence. Le cadre général du nouveau cycle comporte aussi des différences par rapport à l’ancien. En effet, pour la première fois, l'Arcep propose d’en prolonger la durée de trois à cinq ans, malgré la persistance de plusieurs incertitudes susceptibles d’affecter les marchés régulés. Par ailleurs, l’Arcep a fait le choix, à ce stade, de réduire le nombre de marchés pertinents qu’elle entend réguler, en écartant de son analyse le marché des offres de gros activées de masse (dit « 3b ») [1], encadré depuis l’ouverture à la concurrence du secteur.

Dans son avis, l'Autorité valide l'approche de l'Arcep concernant la délimitation des marchés. Elle accueille favorablement les mesures proposées pour assurer l’accès aux infrastructures de génie civil, qui présente un caractère primordial et structurant pour le secteur,  et celles visant à faciliter la migration vers la fibre. Elle appelle l'Arcep à être particulièrement vigilante à la bonne mise en œuvre du plan de fermeture du réseau cuivre d'Orange et des mesures qui l’accompagnent ainsi que concernant l’évolution du marché 3b. L'Autorité invite en particulier l'Arcep à veiller à ce que les allègements de l'encadrement de la qualité de service lié à la fermeture commerciale du réseau cuivre, et plus encore de l'encadrement tarifaire du dégroupage, ne créent pas de déséquilibres sur le marché.

La migration vers la fibre doit permettre de dynamiser la concurrence sur le marché entreprises. L’Autorité invite l'Arcep à s'assurer, en ce sens, que les opérateurs puissent accéder à une information d’éligibilité complète et soient en capacité de proposer des offres effectives dans des conditions au moins similaires à celles qui existent aujourd’hui sur le réseau cuivre.

L'Autorité approuve l'approche de l'Arcep concernant la délimitation des marchés, y compris la définition séparée du marché de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil.

Comme dans son avis n° 20-A-07 qui concernait le cycle précédent de régulation des marchés de gros du haut et très haut débit fixes, l'Autorité estime qu'il est possible de retenir, comme le propose l'Arcep, l'existence d'une substituabilité entre les offres haut et très haut débit, aussi bien sur le segment généraliste que sur le segment entreprise. Toutefois, l'Autorité nuance le caractère parfait de cette substituabilité, eu égard notamment à la difficulté de faire migrer une part non négligeable de clients vers la fibre.

Concernant les marchés de produits, l'Autorité approuve la définition séparée d’un marché de fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil, compte tenu du caractère structurant de cet accès pour garantir la poursuite des déploiements des réseaux en fibre optique et assurer leur fiabilité dans le temps.

Enfin, l'Autorité souscrit, pour l'ensemble de ces marchés, à la délimitation nationale proposée par l'Arcep et à la démonstration conduisant à la désignation d'Orange comme seul opérateur y exerçant une influence significative.

Les évolutions réglementaires proposées par l’Arcep

L'Autorité accueille favorablement les propositions de l'Arcep concernant le marché de l'accès au génie civil.

L’Autorité souligne que l’accès aux infrastructures de génie civil présente un caractère primordial et structurant pour le secteur à l’heure de la poursuite et de l’achèvement du déploiement des réseaux en fibre optique considérés comme les réseaux de référence pour les prochaines décennies.

L’accès à ces infrastructures doit d’abord permettre de garantir et d’encadrer les déploiements des réseaux en fibre encore nécessaires à la couverture la plus complète possible du territoire, la rapidité de mise en œuvre du plan de fermeture du réseau cuivre d’Orange pouvant en dépendre. Lors de l’instruction, les opérateurs ont indiqué que les difficultés liées aux raccordements finaux sont de nature à retarder la réalisation de leurs derniers déploiements. Pour pallier ces difficultés, l’Arcep propose des évolutions, saluées par l’Autorité, conduisant à renforcer les obligations pesant à cet égard sur Orange.

L’accès aux infrastructures de génie civil doit également permettre de garantir et d’organiser cet accès dans la durée. Les acteurs entendus dans le cadre de l’instruction ont confirmé que la maintenance préventive, la maintenance curative et plus globalement la question de la rénovation de ces infrastructures apparaissent comme des sujets essentiels. Là encore, l’Autorité note différentes mesures de régulation de l’Arcep qui semblent répondre à ces difficultés, en particulier celles renforçant les obligations d’information et de transparence d’Orange auprès des opérateurs tiers.

L’Autorité invite l’Arcep à la vigilance concernant la mise en œuvre du plan de fermeture du réseau cuivre d’Orange.

S'agissant du plan de fermeture du réseau cuivre établi par Orange, l'Autorité note qu'il constitue un enjeu majeur pour le cycle de régulation qui s'ouvre, compte tenu de la fermeture à grande échelle qu’il prévoit. L'Autorité constate par ailleurs que si sa fermeture commerciale intégrale devrait intervenir en cours de cycle, en 2026, sa fermeture technique s'étalera en revanche sur une période plus longue, jusqu’à 2030.

Lors des auditions, l’Autorité a pu constater que de nombreux acteurs du secteur dénoncent le caractère opaque de ses modalités de mise en œuvre. À cet égard, l'Autorité rappelle que les impératifs de transparence et de prévisibilité sont essentiels à la mise en œuvre du plan de fermeture du réseau cuivre d'Orange et ne doivent pas conduire à l'instauration de marges de manœuvre ou d'interprétation trop importantes, au détriment des conditions de concurrence dans les zones de fermeture concernées. L'Autorité invite donc l'Arcep à s'assurer de la bonne mise en œuvre de ce plan et à intervenir lorsque les choix ou l'application de critères suivis par Orange ne garantissent pas les conditions de la dynamique concurrentielle lors de la transition vers les réseaux à très haut débit.

En outre, l'Autorité relève que les propositions d’allégement de l’Arcep de certaines conditions de fermeture du réseau cuivre, comme le critère lié à la disponibilité d’une infrastructure de substitution ou celui de disponibilité d’une offre de substitution doivent faire l'objet de vigilance lors de leur mise en œuvre (impact sur la part des lignes cuivre qui perdureront dans le temps, absence de difficulté pour recourir à des technologies alternatives à très haut débit, disponibilité réelle d'offres adaptées aux besoins des utilisateurs, etc.). Elle note également que les scénarios concurrentiels évoqués dans son avis n° 20-A-07, notamment le risque de constitution de rente financière pour Orange, semblent se confirmer depuis qu’elle a publié le plan de fermeture de son réseau. En effet, l'absence de recul sur la dynamique concurrentielle qui accompagnera la fermeture du réseau cuivre, les incertitudes sur la part des lignes de cuivre qui resteront actives dans le temps (le nombre de clients réticents au changement pouvant aller jusqu'à 15-20 %) ou celles sur les délais réels qui s'écouleront entre la fermeture commerciale et la fermeture technique du réseau, apparaissent comme autant d'aléas susceptibles de jouer sur les incitations des opérateurs et de leurs clients, en particulier sur l'arbitrage concernant la migration vers la fibre. Aussi, le maintien de l'allègement, pour le marché de masse, de l'encadrement de la qualité de service lié à la fermeture commerciale du réseau cuivre, et peut-être plus encore l'allègement de l'encadrement tarifaire du dégroupage, inquiètent fortement les acteurs du secteur pour le prochain cycle de régulation. L'Autorité invite l'Arcep à rester vigilante à propos de ces allègements, afin qu'ils ne créent pas de déséquilibres sur le marché.

L'Autorité encourage les mesures proposées par l'Arcep pour accompagner la migration des clients vers la fibre.

Si les auditions menées par l’Autorité ont permis de constater qu'une partie des abonnés semble ne pas migrer vers la fibre tant qu'elle n'y est pas contrainte, l'Autorité relève que la poursuite des déploiements pour rendre l'ensemble des locaux éligibles est essentielle pour pouvoir faire migrer l'ensemble des clients au moment venu. Pour cela, elle souligne la nécessité que les fichiers relatifs à l'éligibilité des locaux aux réseaux en fibre optique soient exhaustifs.

En outre, l'Autorité est favorable aux propositions de l'Arcep relatives à la gratuité de la résiliation des accès à la boucle locale d'Orange pour les opérateurs là où ils n'ont pas d'autre choix que de résilier cet accès, et au remboursement du trop-perçu par Orange lorsque Orange a bénéficié d'une levée du contrôle tarifaire pour une durée plus importante que le délai prévu initialement en raison de l'absence de fermeture technique du réseau cuivre. Pour l'Autorité, ces mesures semblent de nature à ne pas faire peser sur les opérateurs un surcoût lié à la fermeture du réseau cuivre, ce qui devrait contribuer à la migration vers le réseau en fibre optique.

L'Autorité appelle l’Arcep à la vigilance afin d’ouvrir le marché des entreprises à la concurrence lors du prochain cycle

Comme pour les cycles précédents d’analyse de marchés, le marché entreprise reste un marché où la concurrence est peu développée. L'Autorité constate cependant que la période de migration vers la fibre offre une opportunité sans précédent pour dynamiser la concurrence, car un nombre significatif d'entreprises envisage un changement d'opérateur lors de cette période.

Dans son avis, l'Autorité identifie deux axes majeurs permettant de promouvoir cette dynamique potentielle de migration. Il s'agit tout d'abord de renforcer l'éligibilité des entreprises en s'assurant que tous les locaux d'activité soient répertoriés et identifiés de manière précise et exhaustive dans les fichiers d'éligibilité aux réseaux en fibre optique. Enfin, il est nécessaire que des offres effectives proposant sur la fibre des prestations au moins équivalentes à celles proposées sur le cuivre puissent être souscrites par les entreprises.

L'Autorité appelle donc l'Arcep à une vigilance particulière sur ces sujets, afin que tous les opérateurs puissent poursuivre leurs déploiements et les raccordements, et qu'ils puissent ensuite proposer leurs offres commerciales dans des conditions similaires.

[1] Le marché 3b comprend les offres de gros d’accès central en position déterminée à destination du marché de masse, ou grand public. Il regroupe les offres livrées au niveau infranational, qu’elles soient fondées sur le cuivre en DSL, le câble coaxial ou la fibre optique, et qu’elles soient livrées en IP (« Internet protocol ») ou en Ethernet.

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Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
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