Numérique

Intelligence artificielle générative : l’Autorité s’autosaisit pour avis et lance une consultation publique jusqu’au vendredi 22 mars

IA

L’essentiel

En plein essor, le secteur de l’intelligence artificielle générative devrait représenter 42 milliards d’euros en 2023 (soit le double de 2022) et pourrait même attendre un chiffre d’affaires annuel de plus 200 milliards d’euros à l'horizon 2030. Ce nouveau secteur se structure rapidement autour d’entreprises du numérique déjà fortement présentes sur des marchés adjacents, tel que celui de la fourniture de services de cloud. Au vu des enjeux importants et de l’évolution très rapide de ce secteur, l’Autorité de la concurrence a décidé de s’autosaisir pour avis afin d’analyser son fonctionnement concurrentiel et rendra son avis dans les prochains mois.

Cet avis sera l’occasion d’examiner les stratégies mises en place par les grands acteurs du numérique visant à consolider leur pouvoir de marché actuel à l’amont de la chaîne de valeur de l’IA générative, ou à tirer parti de ce dernier, pour se développer dans ce secteur en plein essor. Ainsi, l’Autorité s’intéressera en particulier aux pratiques mises en œuvre par les acteurs déjà présents sur l’infrastructure cloud et aux problématiques liées à l’accès à ces infrastructures, aux données et à une main d’œuvre qualifiée. Elle examinera également les prises de participation des grands acteurs du numérique dans des entreprises innovantes spécialisées dans l’intelligence artificielle générative.

Afin de mener à bien ses travaux, l’Autorité lance dès aujourd’hui une consultation publique afin de recueillir les observations des parties prenantes. Les acteurs sont invités à répondre aux questions formulées par l’Autorité et à adresser leurs réponses avant le vendredi 22 mars  à consultationavisiagenerative@autoritedelaconcurrence.fr Ces contributions viendront enrichir la réflexion de l’Autorité de la concurrence et seront intégrées dans l’avis final.

Un secteur en cours de structuration

L'intelligence artificielle générative (ci-après, « IA générative ») consiste à générer de nouveaux contenus à partir d'un large ensemble de données d'entrée1 et d’une grande puissance de calcul, souvent en utilisant des techniques telles que l'apprentissage profond2 (deep learning) et les réseaux de neurones3 (neural networks). Les modèles génératifs peuvent être entraînés pour produire divers résultats, y compris du texte, des images, de la musique et même des vidéo.

Depuis l'ouverture au public de Chat GPT en novembre 2022, cette technologie a pris une place centrale dans le débat public et économique. Elle soulève en effet des questions du point de vue des données personnelles, du respect des droits de propriété intellectuelle ou de son impact sur le marché du travail. Elle offre également de nombreuses possibilités aux entreprises en termes, par exemple, de création de contenu, de conception graphique ou de support clients.

En plein essor, le marché de l’IA générative devrait représenter 42 milliards d’euros en 2023 (soit le double de 2022) et pourrait même attendre un chiffre d’affaires mondial annuel de plus 200 milliards d’euros à l'horizon 2030.4

L’autosaisine de l’Autorité s’inscrit dans un contexte d’initiatives foisonnant. Au niveau français, à la suite du rapport «Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne » et dans le cadre du plan France 2030, le Gouvernement français a lancé en 2018 une stratégie nationale pour l’IA visant à doter la France de capacités de recherche compétitives et à diffuser les technologies d’IA au sein de l’économie, et a institué le 19 septembre 2023 un Comité de l’IA générative afin de contribuer à la définition d’une politique ambitieuse de développement de l’IA5.

Au niveau européen, cet intérêt pour l’IA générative se traduit également par l’adoption, le 2 février dernier, de la première loi globale sur l’IA au monde par les représentants permanents des vingt-sept États-membres de l’UE. D’autres initiatives émergent au niveau mondial avec notamment l’adoption d’un code de conduite sur l’IA dans le cadre du G7 le 27 novembre 2023, un communiqué publié en novembre 2023 par les autorités de concurrence et instances politiques du G7 sur la concurrence numérique, incluant des développements importants sur l’intelligence artificielle générative, et l’adoption de la « déclaration Bletchley » signée par 28 pays et l’Union européenne afin de favoriser une compréhension commune des risques technologiques posés par l'IA et développer des coopérations internationales sur la sécurité de ces systèmes. La France organisera la troisième édition de ce sommet. De manière générale, les autorités de concurrence au niveau mondial sont attentives au développement de l’IA générative et à son fonctionnement concurrentiel.

L’IA, un secteur dans lequel les opérateurs historiques du numérique peuvent disposer d’un avantage concurrentiel important

Le lancement et le développement d’une IA générative nécessitent :

  • de bénéficier d’une grande puissance de calcul, ce qui implique le plus souvent de recourir à un fournisseur de service cloud afin de bénéficier rapidement de cette architecture, sans avoir à en assurer la gestion ou les coûts d’investissement. Or, comme il ressort de l’analyse de l’Autorité dans son avis sur le fonctionnement concurrentiel du cloud de juin 2023, ce secteur est actuellement fortement concentré autour d’une poignée d’acteurs ;
  • de recueillir un grand nombre de données pour entrainer les modèles de fondation. Certains acteurs importants du secteur pourraient être tentés de limiter l’accès aux données indexées sur leurs moteurs de recherche à leurs concurrents et les réserver à leur usage propre ou conclure des accords d’exclusivité avec des entreprises naissantes ;
  • d’une main d’œuvre qualifiée, qui pourrait potentiellement être captée par les grands acteurs du numérique dans la mesure où ils sont susceptibles d’offrir des salaires élevés.

Ainsi, les grands acteurs numériques qui contrôlent déjà des intrants clés ou des marchés adjacents, pourraient être incités à mettre en œuvre des pratiques visant à consolider leur pouvoir de marché actuel à l’amont de la chaîne de valeur de l’IA générative, ou à tirer parti de ce dernier, pour se développer dans ce secteur en plein essor. Plus globalement, l'intégration verticale de certains acteurs du numérique, et leur écosystème de services, sont susceptibles de donner à ces entreprises la possibilité d’exclure des modèles de fondation concurrents ou l’entrée sur le marché d’entreprises actives plus à l’aval de la chaîne de valeur de l’IA générative.

infographie IA

Une politique active d’acquisitions mise en place par des entreprises déjà présentes dans le secteur du numérique

Le secteur de l'IA générative fait l'objet d'un intérêt accru des investisseurs comme en attestent les investissements de Microsoft dans OpenAI, ou encore ceux d'Amazon et de Google dans Anthropic, une startup rivale d'OpenAI.

Certaines prises de participations minoritaires dans le secteur font actuellement l'objet d’une attention accrue de la part de plusieurs autorités de concurrence. L'Autorité examinera cette question dans le cadre de sa compétence consultative et formulera, le cas échéant, des recommandations visant à mieux remédier à leurs potentiels effets dommageables.

L’Autorité lance une consultation publique ouverte jusqu’au 22 mars 2024

L’Autorité de la concurrence lance une consultation publique afin de recueillir les observations des parties prenantes.

Les éléments recueillis viendront enrichir la réflexion de l’Autorité qui rendra son avis dans les prochains mois.

Les acteurs sont invités à répondre aux questions formulées par l’Autorité et à adresser leurs réponses avant le vendredi 22 mars à consultationavisiagenerative@autoritedelaconcurrence.fr

D'après la CNIL, « Dans le domaine de l’intelligence artificielle, une donnée d’entrée est une donnée utilisée pour l’apprentissage automatique ou la prise de décision du système d’IA (en phase de production) ».

D'après la CNIL, « l’apprentissage profond est un procédé d’apprentissage automatique utilisant des réseaux de neurones possédants plusieurs couches de neurones cachées. ».

3D'après la CNIL, « un réseau de neurones artificiels est un ensemble organisé de neurones interconnectés permettant la résolution de problèmes complexes ».

Statista, IA générative : un marché en plein essor, 27 septembre 2023

5https://www.economie.gouv.fr/comite-intelligence-artificielle-generative

La consultation publique

Contact(s)

Maxence Lepinoy
Maxence Lepinoy
Chargé de communication, responsable des relations avec les médias
Imprimer la page