Marché de l’internet haut débit : le Conseil de la concurrence rend un avis à l’ART

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Dans le cadre de la procédure de consultation prévue par l'article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, issu de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (transposition du « paquet télécoms »), le Conseil de la concurrence vient de rendre à l'ART un deuxième avis, dans lequel il procède à une analyse des marchés de l'internet haut débit et à la désignation des opérateurs y exerçant une puissance significative.

Le Conseil de la concurrence n'est pas favorable à une régulation ex ante des marchés de détail

L'ART considère qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer aux marchés de détail des outils de régulation spécifiques. Elle note à cet égard le dynamisme de la concurrence sur le marché de l'ADSL, qui s'est notamment traduit par une forte progression en deux ans du nombre d'abonnés, la conquête de 50% du parc par des opérateurs alternatifs, la baisse significative des tarifs proposés, l'accroissement des débits offerts et la diversification des offres

Le Conseil de la concurrence partage totalement cette analyse et rappelle, comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises, que le contrôle a priori des tarifs sur les marchés de détail est une option qui ne peut se justifier que dans des cas exceptionnels, où aucune concurrence n'est susceptible de voir le jour sans régulation ex ante, ce qui n'est pas le cas des offres de détail d'accès ADSL.

Le Conseil de la concurrence ne méconnaît pas l'existence des risques liés à la maîtrise par France Télécom de la boucle locale et à l'intégration verticale de l'opérateur historique, que dénoncent les opérateurs alternatifs. Celui-ci détient un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés avals, dont il peut potentiellement abuser, notamment par le biais de pratiques de ciseaux tarifaires.

Cependant, le Conseil de la concurrence estime qu'une régulation efficace des marchés de gros est plus adaptée pour faire face aux dysfonctionnement de la concurrence sur les marchés de détail et que parallèlement à cette régulation, le droit commun de la concurrence permet d'y remédier de manière satisfaisante.

Par une régulation efficace des offres de gros, le Conseil de la concurrence entend une régulation qui s'attache à vérifier, à l'occasion de leur approbation a priori ou des règlements de différends, non seulement que ces offres respectent, lorsque cela est nécessaire, le principe de l'orientation vers les coûts mais aussi qu'elles permettent effectivement la réplicabilité dans des conditions normales de marché – tant du point de vue technique, opérationnel qu'économique– des offres de détail de France Télécom.

Le Conseil insiste également sur la nécessité de la séparation comptable pour garantir l'absence de toute discrimination.

Il rappelle enfin, qu'il existe deux procédures exceptionnelles qui peuvent jouer le rôle de « clause de sauvegarde » sur le marché de détail :

  • L'une, déjà mise en place par la Commission européenne, est la mise sous surveillance jusqu'en 2005 des tarifs de Wanadoo à la suite de la décision de condamnation prononcée en juillet 2003 ;
  • L'autre, ouverte par le récent article L.37-3 du code des postes et communications électroniques, est la possibilité, dans des circonstances exceptionnelles, de recourir à des mesures temporaires (6 mois au plus) justifiées par la nécessité de préserver la concurrence et de protéger les intérêts des utilisateurs – alors même que le marché de détail n'aurait pas été considéré comme devant être soumis à une régulation spécifique.

Dès lors qu'il n'est pas envisagé d'appliquer aux marchés de détail une régulation spécifique, le Conseil a estimé qu'il n'était pas nécessaire, dans le cadre de la présente procédure d'analyse des marchés, d'en délimiter précisément les contours et les segments.

Une régulation ex ante des offres de gros est nécessaire

Le Conseil de la concurrence partage l'analyse de l'ART qui conduit à distinguer, au sein du marché des offres de gros, trois types de prestations non substituables de la part des opérateurs et constituant donc des marchés pertinents : l'accès dégroupé à la boucle locale de cuivre, l'accès large bande DSL livré au niveau régional et l'accès large bande DSL livré en un point national.

La dynamique de la concurrence sur les marchés de gros de l'accès large bande DSL dépend de la capacité des opérateurs concurrents à déployer un réseau concurrent de celui de France Télécom, depuis l'installation des équipements de dégroupage jusqu'au point de connexion avec le fournisseur de services, et des prix relatifs pratiqués par France Télécom, au niveau du gros et du détail, les deux conditions étant liées entre elles. Le stade actuel atteint par le déploiement des réseaux des opérateurs tiers et leur capacité à proposer des offres concurrentes de France Télécom se sont inscrits dans le cadre d'une régulation ex ante imposée à l'opérateur historique depuis l'apparition de la technologie DSL, fin 1999.

Constatant l'insuffisant dynamisme de la concurrence sur ces marchés et l'existence de fortes barrières à l'entrée sur les marché de gros de l'accès large bande DSL, le Conseil de la concurrence estime que le maintien d'un espace économique suffisant entre les différentes offres de gros de France Télécom - tel qu'il a été recherché jusqu'à présent par le régulateur- est toujours essentiel à l'entrée et au maintien des opérateurs tiers sur ces marchés. Il est donc favorable au maintien d'une régulation ex-ante par l'ART des offres sur les marchés de gros.

France Télécom, opérateur puissant sur le marché des offres de gros haut débit

S'agissant de la position de France Télécom sur le marché, le Conseil de la concurrence s'écarte de l'analyse de l'ART, qui considère qu'en dépit de la réintégration de Wanadoo au sein de France Télécom, les offres de gros qui étaient auparavant achetées par Wanadoo à France Télécom doivent continuer à être comptabilisées au même titre que celles achetées par des opérateurs tiers, pour évaluer la taille du marché.

S'appuyant sur une jurisprudence constante des autorités de concurrence, tant nationale que communautaire, le Conseil fait valoir, au contraire, qu'étant donné que Wanadoo n'existe plus en tant qu'entité distincte, ces prestations correspondent désormais à de l'autoconsommation et n'ont par conséquent pas à être prises en compte dans ce calcul.

Cependant, malgré cette divergence d'analyse, le Conseil de la concurrence considère, tout comme l'ART, que France Télécom est puissante sur les marchés de gros haut débit et cela, même en ramenant la part de marché de France Télécom sur les marchés des offres de gros livrées au niveau régional à moins de 50%, du fait de la non prise en compte de l'autoconsommation. En effet, la taille de France Télécom, son intégration verticale, sa présence sur l'ensemble des marchés des communications électroniques et surtout sa maîtrise de la boucle locale de cuivre, sont autant d'éléments qui la mettent en mesure, sur ces marchés de se comporter dans une mesure appréciable, d'une manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte, des consommateurs.

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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