Le commerce en ligne offre fréquemment aux consommateurs des prix inférieurs et des gammes plus étendues que la distribution traditionnelle.

Les fabricants comme les distributeurs traditionnels doivent donc veiller à ce que leurs accords de commercialisation (distribution sélective, différenciation des prix d’achat ou des conditions de livraison, etc.) ne conduisent pas à limiter le déploiement du commerce en ligne et la pression concurrentielle accrue qui l’accompagne.

 

En 2011, 30 millions de Français ont effectué des achats sur l’un des 100 000 sites marchands référencés sur Internet pour un montant total de 37 milliards d’euros, (+ 88 % depuis 2008). Constatant ce fort développement, l’Autorité de la concurrence a décidé de lancer une enquête sectorielle  afin de vérifier le fonctionnement concurrentiel de la vente en ligne. Elle publie aujourd’hui les conclusions qu’elle en tire.
L’Autorité a choisi de concentrer son analyse sur trois secteurs: celui des produits électrodomestiques (TV, hi-fi, lave-linge, ordinateurs, appareils photos, etc.), celui  de la parapharmacie et celui de la parfumerie de luxe.
 

LES PRIX EN LIGNE SONT SENSIBLEMENT INFÉRIEURS À CEUX AFFICHÉS EN MAGASIN POUR LES SECTEURS DE L’ELECTRO-DOMESTIQUE ET DE LA PARAPHARMACIE

L’Autorité de la concurrence a recensé et comparé, pour chacun des secteurs étudiés, les prix en ligne et hors ligne d’une sélection de références faisant partie des meilleures ventes1. Elle a constaté, de façon générale, que les prix en ligne, hors frais de livraison, sont inférieurs à ceux des magasins physiques.

Même en tenant compte des frais de livraison, acheter sur internet demeure fréquemment avantageux en termes de prix. Certains sites marchands facturent des frais de livraison qui peuvent renchérir les prix affichés. Ces frais peuvent varier selon le type de bien acheté, la valeur du bien ou de la commande et le type de livraison (domicile, point relais, livraison express,…).  Mais hormis le cas des produits électrodomestiques volumineux (gros électroménager) - pour lesquels les frais de livraison réduisent voire annulent l’avantage prix - et les petites commandes de produits de parapharmacie ou de parfums, acheter sur Internet reste plus avantageux.

  • Les produits électrodomestiques

Pour l’ensemble des produits étudiés (cf. tableau ci-après), les principaux modèles sont vendus en ligne à des prix hors frais de livraison inférieurs aux prix constatés dans les points de vente physique. Les différences de prix sont toutefois variables selon les familles de produits :

 Pour les produits bruns (télévisions, appareils photo numériques...), l’avantage prix du canal Internet peut être estimé à environ 10 %

 Pour les produits blancs, les écarts de prix vont de moins de 5 % pour les lave-linges et réfrigérateurs, à 10 %, voire plus, pour les lave-vaisselles et fours micro-ondes

 Enfin, s’agissant des produits gris, s’il y a peu d’écart sur les ordinateurs portables, les prix moyens en ligne des imprimantes sont relativement avantageux par rapport aux prix moyens hors ligne (plus de 10 % d’écart). 
 

L’avantage-prix du canal Internet

Télévision
écran plat
Caméscope Appareil photo
numérique
Lecteur DVD Baladeur
numérique
Lave-vaisselle
10,4 %* 13,2 % 8,5 % 11,3 % 6,4 % 9,8 %
Four
micro-ondes
Lave-linge Réfrigérateur Imprimante muti-fonctions Ordinateur portable  
12,9 % 4,0 % 2,1 % 10,6 % 1,1 %  

*Lecture : le prix moyen en ligne est 10,4% inférieur au prix moyen hors ligne pour les télévisions écran plat.

  • La parapharmacie

Les différences de prix pour les produits de parapharmacie sont de l’ordre de 8 à 10 % en moyenne. Des sites agréés affichent en outre sur certains produits des prix parfois fortement décotés, de sorte que, pour un produit donné, le prix le plus bas proposé en ligne est régulièrement jusqu’à 25 ou 30 % inférieur au prix moyen constaté dans le réseau physique.
 

  • Les parfums et produits cosmétiques de luxe

Dans ce secteur en revanche, on ne constate pas de différence notable entre les prix relevés en ligne et hors ligne. 

 

LES COMPARATEURS DE PRIX, LES PLACES DE MARCHÉ ET LES DISTRIBUTEURS « PURE PLAYER » EXERCENT UNE PRESSION À LA BAISSE SUR LES PRIX

Les prix inférieurs constatés sur Internet sont favorisés par l’émergence de nouveaux acteurs sur Internet.

  • Les comparateurs de prix (ex : Shopzilla, Leguide.com, Google Shopping, Ciao.fr, Twenga etc.) favorisent une pression à la baisse sur les prix en permettant au consommateur de comparer plus facilement les prix des produits. Selon plusieurs études, plus de la moitié des internautes utiliseraient leurs services avant de procéder à un achat.
     
  • De même, les places de marché (ex : eBay, Price Minister, Fnac.com, Amazon, RueDuCommerce etc.), qui offrent à des vendeurs la possibilité de référencer leurs offres, comme le ferait une galerie marchande dans le monde physique, sont aussi un facteur d’animation de la concurrence. Elles permettent à des marchands peu visibles de profiter de la notoriété de sites importants et de devenir accessibles aux consommateurs, laissant ainsi ces derniers disposer d’une offre plus étendue et d’une concurrence plus forte entre opérateurs.
     
  • Enfin, les distributeurs « pure player », qui n’exploitent pas ou peu de magasins physiques mais quasi-uniquement des sites en ligne, peuvent également exercer une pression à la baisse sur les prix. Leur modèle économique, qui repose sur des coûts de distribution réduits par rapport aux distributeurs traditionnels, notamment en frais de personnel et en charges immobilières, leur permet en effet de proposer des prix plus compétitifs. Dans le secteur des produits électrodomestiques où les pure players sont particulièrement présents, ces derniers proposent, pour les principales références de produits de grande consommation échantillonnées, des prix inférieurs en moyenne de 5 à 10 % à ceux pratiqués en magasin.

    Les enseignes, qui disposent à la fois de boutiques et de sites en ligne (enseignes « click&mortar ») pourraient aussi en théorie faire bénéficier les cyber acheteurs de ces coûts de distribution réduits pour leurs ventes en ligne mais elles optent généralement pour un schéma différent : afin d’éviter que leurs différents canaux de distribution se cannibalisent entre eux et de conserver une image-prix cohérente vis-à-vis des consommateurs, la plupart de ces enseignes pratiquent une politique tarifaire similaire dans leurs magasins et sur leurs sites Internet pour les produits commercialisés dans ces deux canaux de distribution.

 

COMPTE TENU DU RÔLE JOUÉ PAR LE COMMERCE EN LIGNE, IL EST IMPORTANT QUE LES FABRICANTS NE METTENT PAS EN PLACE DES PRATIQUES VISANT À LIMITER SON DÉVELOPPEMENT, EN PARTICULIER EN EMPÊCHANT DE FAÇON INJUSTIFIÉ LE DÉPLOIEMENT DES OPÉRATEURS PURE PLAYERS.

A l’occasion de cette enquête, l’Autorité a relevé qu’il était de plus en plus fréquent que les fabricants exigent de leurs revendeurs en ligne le respect d’un certain nombre de conditions pour être acceptés dans leur réseau de distribution sélective. Elle a également constaté que les opérateurs fortement présents sur Internet pouvaient se voir proposer de la part des fabricants des conditions d’approvisionnement moins avantageuses que celles octroyées aux enseignes traditionnelles.

Dans son avis, l’Autorité rappelle les principes du droit de la concurrence en la matière, qui constituent en quelque sorte les limites à ne pas franchir.

  • Les conditions posées par les fabricants pour la vente sur Internet de leurs produits ne doivent pas freiner le développement des ventes en ligne de manière injustifiée

Chaque fabricant est libre d’organiser le mode de distribution de ses produits sous réserve qu’il ne porte pas atteinte à la concurrence. De nombreux fabricants, dans des secteurs variés, ont ainsi mis en place des réseaux de distribution sélective, réservant à des revendeurs sélectionnés sur la base de critères précis la distribution de leurs produits. Cette distribution sélective, qui permet au fabricant de soumettre la vente de ses produits en magasin et sur Internet au respect de certaines conditions, se justifie généralement par la volonté de préserver l’image haut de gamme d’un produit ou par ses caractéristiques techniques (haute technicité par exemple). Il peut ainsi être légitime, pour garantir une qualité de service suffisante au consommateur, qu’un fabricant exige par exemple que le site Internet du distributeur, à l’instar de ses points de ventes physiques, respecte des standards de qualité (site Internet sécurisé, pages dédiées aux produits, limitation des produits vendus aux consommateurs pour éviter le commerce parallèle…).

Pour autant, la distribution des produits en ligne ne doit pas être découragée par rapport à la distribution hors ligne. Les textes communautaires et la pratique décisionnelle de l’Autorité de concurrence posent comme principe que les conditions relatives à la vente en ligne des produits doivent être équivalentes à celles posées pour la vente en magasin. En tout état de cause, un fabricant ne peut interdire par principe à un distributeur agréé de vendre en ligne.

  • Les fabricants sont libres de pratiquer des conditions commerciales et tarifaires différenciées aux distributeurs en ligne et hors ligne à condition qu’elles n‘empêchent pas l’exercice d’une pression concurrentielle suffisante sur les marchés concernés

Les fabricants sont libres de différencier les gammes de produits, les conditions d’approvisionnement et les conditions tarifaires appliquées aux opérateurs des deux canaux. Les conditions d’achat notamment peuvent être différentes entre distributeurs en ligne et hors ligne afin de tenir compte par exemple des volumes écoulés ou des prestations de service rendues et reflètent plus généralement le pouvoir de négociation de chaque opérateur.

Toutefois, la liberté de négociation des opérateurs ne leur permet pas pour autant de convenir de conditions d’achat ou de fourniture qui pourraient limiter de façon injustifiée la pression concurrentielle exercée par les opérateurs en ligne sur les distributeurs traditionnels. Un fabricant qui, par exemple, serait incontournable sur un marché, compte tenu de l’attractivité de ses produits ou de sa part de marché, ne doit pas user de cette position pour défavoriser indument les distributeurs en ligne en leur octroyant des conditions tarifaires ou commerciales manifestement injustifiées.  De telles pratiques pourraient désavantager les distributeurs en ligne, limiter la concurrence qu’ils sont susceptibles d’exercer sur les distributeurs traditionnels et, au terme d’une procédure contentieuse contradictoire, être qualifiées d’anticoncurrentielles.
 

L’AUTORITÉ CONTINUERA D’ÊTRE VIGILANTE AU DÉVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE SUR ET PAR INTERNET

Seule une appréciation au cas par cas, dans le cadre d’une procédure contentieuse contradictoire, permet de déceler et de sanctionner les dispositions et les pratiques anticoncurrentielles qui pourraient être mises en œuvre par des fabricants ou des distributeurs.

L’Autorité de la concurrence, qui a été parmi les premières autorités de concurrence en Europe à rendre des décisions concernant des pratiques entravant le développement du commerce électronique (notamment dans les secteurs de la vente en ligne des montres, des matériels hi-fi et home cinéma, des produits parapharmaceutiques)2, demeurera donc particulièrement attentive à ce que les nécessités d’une distribution adaptée de certains produits ne conduisent pas en définitive à limiter les opportunités pour la concurrence qu’offre la vente en ligne.

1Pour plus de détails, se reporter aux pages 19 à 23 de l’avis.
2Consulter les décisions
06-D-24, 06-D-28, 07-D-07 et 08-D-25.


Consulter les fiches complémentaires suivantes sur le commerce en ligne :

Fiche 1 : Un circuit de distribution qui séduit les Français.
Fiche 2 : La répartition des ventes en ligne par secteur.
 

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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