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Lancement d'une consultation publique sur la normalisation/certification

certification

L’Autorité de la concurrence lance une consultation publique sur le diagnostic et les premières pistes de recommandations susceptibles de mieux concilier les processus de normalisation et de certification et le bon fonctionnement de la concurrence.

L’essentiel

En janvier 2014, L’Autorité de la concurrence a décidé d’ouvrir une enquête sectorielle afin d’évaluer le fonctionnement concurrentiel des processus de normalisation et de certification.

Avant d’adopter ses conclusions définitives, l’Autorité publie aujourd’hui une première évaluation qu’elle soumet à consultation publique. Les différents acteurs intéressés sont invités  à faire valoir leurs observations sur les points de blocage et les premières pistes de recommandations avancées par l’Autorité de la concurrence.

Trois points en particulier ont retenu l’attention de l’Autorité de la concurrence :

- L’Autorité estime tout d’abord qu’il est nécessaire de renforcer la prise en compte de l’intérêt général dans le processus de normalisation, qui, en pratique, s’appuie sur les compétences techniques et les capacités financières des opérateurs privés. Or, cette intervention de la sphère privée peut entraîner des risques de collusion et conduire à une capture de la norme qui contribuerait à élever des barrières artificielles pour les nouveaux entrants ;

- L’Autorité pointe ensuite les risques de confusion qui peuvent exister entre activités de normalisation et de certification de certains opérateurs ;

- Enfin, l’Autorité a examiné en particulier le secteur du BTP, qui en raison de l’existence de documents à caractère normatif spécifiques sont susceptibles, d’une part, d’expliquer les difficultés de certaines entreprises d’entrer dans le secteur et, d’autre part, de contribuer à surenchérir le coût de la construction.

46 questions sont posées aux acteurs intéressés dans le cadre d’une consultation publique ouverte du 13 avril au 1er juin  2015.

> Consulter le document de consultation publique

L’ACTIVITÉ DE NORMALISATION : UNE ACTIVITÉ D’INTÉRÊT GÉNÉRAL LARGEMENT DÉLÉGUÉE AU SECTEUR PRIVÉ

L’activité de normalisation est par nature une activité qui échappe au marché, comme le sont généralement toutes les activités de nature législative ou réglementaire, puisque son objectif est de fixer une règle commune. En France, c’est une association reconnue par les pouvoirs publics, l’AFNOR, qui organise le processus de normalisation, mais la production proprement dite des normes est une activité des Commissions de Normalisation de l’AFNOR et des Bureaux de Normalisation Sectoriels, qui réunissent des entreprises intéressées à l’élaboration des normes applicables dans leur secteur d’activité.

  • Le risque d’entente

Si l’intervention du secteur privé dans une activité normative est souvent justifiée par l’expertise technique dont disposent les entreprises, elle soulève nécessairement des interrogations dans la mesure où des entreprises concurrentes échangent et s’accordent entre elles sur des standards qui vont s’imposer à toutes. Dans ces conditions, se pose également la question de la représentativité des entreprises parties au processus qui peuvent avoir des intérêts divergents de ceux des autres entreprises du secteur.

  • Le risque d’élévation des barrières à l’entrée

La normalisation a des effets positifs en matière de sécurité, de compatibilité ou d’interopérabilité de différents produits et services, caractéristiques a priori favorables au développement de l’activité économique par les mérites. Ainsi, les normes de type NF, CE ou ISO garantissent aux consommateurs des produits et services sûrs, fiables et de bonne qualité. A titre d’exemple, la norme NF peut s’appliquer à des produits de consommation (prises électriques, réfrigérateurs, robinets…) ou à des services (offices de tourisme, transport de voyageurs pour la qualité de leurs prestations…).

Mais mal contrôlé ou capturé, le processus de normalisation dans son organisation actuelle présente un risque de profusion de normes sans justification suffisante et d’utilisation à des fins purement privées. Cette inflation normative  pourrait affaiblir l’intensité concurrentielle d’un secteur, en créant notamment des barrières à l’entrée artificielles.

  • Les questions de concurrence soulevées

L’Autorité constate que :

-les projets de normes sont lancés par les commissions de normalisation sans étude préalable de leur plus-value entraînant éventuellement des doublons dans la création de normes, ou la coexistence de normes antagonistes ;
-la norme est généralement adoptée sans une réelle prise en compte de toutes les personnes intéressées et sans vote, ce qui peut avoir pour effet d’exclure certaines entreprises ou catégories d’entreprises ;
-la classification des catégories d’intérêts peut être inadaptée à certains secteurs économiques et plus généralement les PME ne sont pas suffisamment représentées ;
-l’enquête publique n’est pas toujours aboutie ;
-une organisation complexe et difficile à maîtriser des commissions de normalisation qui dépendent de l’AFNOR ou des bureaux de normalisation n’est pas favorable à l’efficacité du processus.

En conclusion, le relatif manque de transparence que comporte ce travail normatif augmente les risques collusifs. Par ailleurs, dans le processus actuel, la norme peut être le reflet des travaux d’expertise ou de l’influence déterminante d’un acteur particulier. La norme pourrait ainsi être utilisée pour protéger les positions d’une telle entreprise en créant des barrières artificielles, en accroissant les coûts de ses concurrents.

L’ensemble de ces développements conduit à s’interroger sur les mesures qui, d’une part, permettraient aux pouvoirs publics de jouer pleinement leur rôle dans le processus d’élaboration des normes et, d’autre part, faciliteraient l’accès de tous les opérateurs, et particulièrement des petites et moyennes entreprises, aux processus normatifs qui affectent leur activité économique.

L’ACTIVITÉ DE CERTIFICATION, UNE ACTIVITÉ COMMERCIALE OUVERTE À LA CONCURRENCE

La certification est une procédure par laquelle une tierce personne atteste que le produit ou le service d’une entreprise ou d’un organisme présente un certain nombre de caractéristiques définies dans un document de référence, appelé référentiel de certification, et auxquelles les consommateurs, voire plus généralement les clients, sont censés attacher une importance décisive.

A l’inverse de la normalisation, la certification est une activité naturellement concurrentielle puisqu’elle consiste à demander à un expert de vérifier qu’un certain niveau de qualité est atteint ou qu’un ensemble de normes est respecté. Ce service peut être rendu par de multiples entreprises et n’a donc pas vocation à créer des situations de monopoles.

La certification, qui est volontaire, est un instrument commercial au même titre qu’un label. Déconnectée de l’activité de normalisation, elle peut, ou non, correspondre à une norme, ou ne correspondre qu’à une partie de norme ou à plusieurs normes et être accompagnée de spécifications complémentaires.

Ainsi elle doit être distinguée d’une déclaration de conformité à la norme, qui est effectuée par le fournisseur ou le producteur sous sa seule responsabilité et du marquage CE, apposé sur le produit commercialisé par l’entreprise elle-même, pour attester de sa conformité à des exigences essentielles comprises dans une directive européenne, et qui est nécessaire à la commercialisation du produit sur l’ensemble du marché européen.

Si l’activité de certification est ouverte à la concurrence, elle ne peut être exercée dans certains secteurs que par des organismes accrédités, dits « organismes d’évaluation de la conformité» (ci-après OEC), dont la compétence pour exercer leur activité est vérifiée en France par le COFRAC.

  • Les questions de concurrence soulevées

Plusieurs remarques peuvent être formulées sur l’animation concurrentielle du marché de la certification. Elles ont trait :

- au coût et à la longueur des procédures d’accréditation pour devenir un OEC, qui peuvent être un frein à l’accès au marché de la certification ;
- à la confusion sur le caractère obligatoire ou non de la certification, et sur le surcoût que peut représenter un recours systématique à ce processus ;
- à la confusion entre activités de normalisation, non concurrentielles, et activités de certification, concurrentielles, qui peut être illustrée à travers le cas du groupe AFNOR ; en effet, l’accès au réseau NF et à sa marque éponyme développée par AFNOR Certification pourrait, en raison du caractère notoire de ce sigle, introduire des distorsions de concurrence au détriment des organismes certificateurs nouveaux entrants sur le marché ou non autorisés à utiliser ce sigle, et contribuer à l’augmentation des coûts de la certification.

L’ensemble de ces développements conduit à s’interroger sur les mesures qui permettraient de maîtriser les coûts pour les OEC eux-mêmes, de sensibiliser les clients à la plus-value réelle de la certification dans les cas où les produits ou services répondent déjà à une norme, et d’assurer une concurrence non faussée entre acteurs de la certification, notamment en limitant les distorsions résultant soit de l’intervention des pouvoirs publics dans certains processus, soit de la notoriété retirée d’une ancienne marque publique.

LES SPÉCIFICITÉS DU SECTEUR DU BTP

  • Un processus de normalisation dérogatoire

Ce secteur présente des spécificités en raison de l’existence de documents à caractère normatifs uniques au secteur du BTP, et d’une élaboration de ces mêmes documents à caractère normatif  qui déroge au processus de normalisation classique. Ainsi, le secteur du BTP est caractérisé par une importante production de « quasi normes », qui ne sont pas validées par l’AFNOR, et ne sont pas homologuées, mais revêtent malgré tout en pratique un caractère obligatoire. En effet, le non respect de ces documents se traduit par la déchéance des garanties d’assurance, prévue par l’article 243-1 du code des assurances.

Les documents techniques unifiés (DTU) qui concernent le domaine dit « traditionnel », appelés aujourd’hui NF-DTU, sont issus des travaux de commissions de normalisation réunies sous l’égide de l’AFNOR ou des BNS. Contrairement aux normes classiques, l’élaboration de ces documents échappe en partie aux pouvoirs publics car ils ne font l’objet ni d’enquête publique, ni d’homologation par le délégué interministériel aux normes. Les pouvoirs  publics ne peuvent en contrôler ni l’intérêt général, ni la recherche d’un réel consensus.

De la même manière, les avis techniques qui portent sur les produits innovants, exigés par les assureurs, ne peuvent être formulés que par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), seul organisme habilité par l’État à les délivrer. Leur instruction incombe à l’un des 14 Groupes Spécialisés de la Commission Chargée de Formuler les Avis Techniques (C.C.F.A.T.), dont la liste des membres est confidentielle, ce qui signifie qu’il n’est pas exclu que les demandes d’une entreprise y soit examinées par un concurrent.

  • Les questions de concurrence soulevées

Les risques identifiés pour le processus de normalisation classique sont ici exacerbés. Les DTU peuvent être le moyen d’imposer des produits répondant à des exigences supérieures à la norme. Des professionnels ont ainsi indiqué que ces documents pouvaient parfois contenir, outre les règles de l’art, des références à une marque de certification ou d’un industriel qui seraient de nature à privilégier certains acteurs.

A la variété des documents normatifs propres au secteur du BTP, répond la multiplicité des organismes intervenant dans ce secteur.  A l’AFNOR, coexistent pas moins de 3 Comités stratégiques sectoriels compétents en matière de BTP sur les 15 constitués, mais également a minima 6 BNS : BNTEC (techniques et équipements de la construction du bâtiment) et le BNCM (construction métallique), BNA (acier), BNBM (bois et meubles), BNC (céramique), et BNB (béton). Cette multiplicité historique de structure sans procédure d’harmonisation pour édicter de la norme, peut conduire à des chevauchements et à une « surnormalisation » de certains produits, complexifiant et renchérissant ainsi la construction. Or, certaines études économiques montrent que l’accroissement du nombre de normes en vigueur dans un secteur et la perception des producteurs quant aux effets de la norme sur l’innovation ont un effet négatif sur la concurrence. 

Enfin, le CSTB est un acteur qui, à l’échelle du secteur du BTP, concentre des activités de normalisation, de certification et d’essais. Ses activités en partie concurrentielles, en partie en monopole (délivrance des avis techniques) et répondant pour d’autres à des missions de service public (activités de recherche et d’études dans le secteur du BTP) sont susceptibles de générer des distorsions de concurrence. Ainsi, la séparation des activités de normalisation et de certification prévue par le décret de 2011 modifiant l’article R142-1 du code de la construction qui définit les missions du CSTB, n’est toujours pas pleinement effective.

L’ensemble de ces développements conduit à s’interroger sur les mesures qui permettraient d’éviter une prolifération de quasi normes, rendues de fait obligatoires sous peine de déchéance des garanties d’assurance. Il semble pertinent que ces documents conservent une vocation temporaire et soient remplacés par de véritables normes, avec le formalisme et les garanties qui s’y attachent. De la même manière, des mesures permettant d’aligner le fonctionnement de ce secteur sur les principes régissant les activités générales de normalisation et certification semblent utiles (séparation des activités, garanties pour éviter d’éventuelles distorsions) et devraient par ailleurs conduire à s’interroger sur la nécessité de maintenir un nombre si important de structures différentes, qui ne se retrouve dans aucun autre secteur également complexe.

> Les observations sont à envoyer à l’Autorité de la concurrence avant le 1er juin 2015 à l’adresse Mel disponible en cliquant sur ce lien. La consultation publique est aujourd'hui close.

> En réponse à plusieurs interrogations, l’Autorité de la concurrence précise que les contributions à la consultation publique peuvent être confidentialisées et ne seront publiées qu’avec l’accord du contributeur.

Contact(s)

Virginie Guin
Directrice de la communication
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