Sector(s) :
20-D-04
regarding practices implemented in the Apple products distribution sector
DecisionPublished on : 15 June 2020
regarding a request for interim measures submitted by the associations Interactive Advertising Bureau France, Mobile Marketing Association France, Union Des Entreprises de Conseil et Achat Media, and Syndicat des Régies Internet in the sector of advertising on mobile apps on iOS
Les associations Interactive Advertising Bureau (ci-après, « IAB »), Mobile Marketing Association (ci-après, « MMA ») France, Union des entreprises de conseil et achat media (ci-après, « UDECAM »), Syndicat des Régies Internet (ci-après, « SRI ») ont saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») le 23 octobre 2020 de pratiques mises en œuvre par la société Apple Inc. (ci-après, « Apple ») à l’occasion des modifications à venir de son système d'exploitation iOS 14. Le système d’exploitation mobile développé par Apple, iOS, fait fonctionner les smartphones iPhone.
Lors de la conférence du 22 juin 2020 destinée aux développeurs d’applications1, la société Apple a annoncé que dans le cadre de sa politique de renforcement de la protection de la vie privée de ses clients, elle allait mettre en place, à échéance de septembre 2020, un dispositif dénommé ATT pour App Tracking Transparency (ou transparence sur le traçage en applications). Ce dispositif consiste en l’affichage d’une fenêtre requérant le consentement explicite de l’utilisateur d’iPhone avant toute utilisation de l’Identifier for Advertisers (ci-après, « IDFA »). L’IDFA est un identifiant unique, propre à Apple, qui permet à différentes entreprises de l’écosystème de la publicité en ligne de suivre l’activité de l’utilisateur sur différents sites internet ou applications mobiles, à des fins de ciblage publicitaire.
Les saisissantes soutiennent, à l’appui de leur saisine au fond, que le déploiement de la sollicitation ATT et l’obligation faite aux développeurs d’applications d’y recourir pour accéder à l’IDFA constituent un abus de position dominante, en ce qu’ils imposent des conditions de transactions inéquitables au sens du paragraphe a) de l’article 102 du TFUE. Ces dispositions prévoient que peuvent constituer un abus de position dominante d’une entreprise dominante le fait d’ « imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ». L’abus découlerait de ce que cette sollicitation ne serait ni nécessaire, ni proportionnée pour atteindre l’objectif, poursuivi par Apple, de protection de la vie privée des utilisateurs.
Elles soutiennent en outre que cette pratique peut également être analysée comme imposant une obligation supplémentaire contraire au d) de l’article 102 du TFUE. Ces dispositions prévoient que peut constituer un abus de position dominante le fait de « d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ».
Les saisissantes ont également déposé, en complément de leur saisine, une demande de mesures conservatoires tendant à ce que l’Autorité ordonne la cessation immédiate des comportements allégués. Elles demandent, à cette fin, qu’il soit enjoint à la société Apple :
Après analyse des éléments fournis par les saisissantes au soutien de leur demande de mesures conservatoires, l’Autorité a estimé, dans le cadre d’un examen préliminaire au titre des mesures d’urgence, qu’il ne pouvait être considéré à ce stade que l’introduction de la sollicitation ATT conduirait Apple à imposer des conditions de transactions inéquitables ou une obligation supplémentaire dans des conditions contraires à l’article 102 du TFUE, et, en particulier, aux a) et d) de cet article.
L’Autorité a notamment relevé qu’au vu des éléments du dossier, l’introduction de la sollicitation ATT n’était pas susceptible d’imposer aux éditeurs d’applications des restrictions excessives ou disproportionnées à leur activité, constitutives de transaction inéquitable au sens du a) de l’article 102 du TFUE et s’inscrivait dans la stratégie d’Apple, mise en place de longue date, en matière de protection de la vie privée des utilisateurs des produits iOS. Cette stratégie n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, anticoncurrentielle par elle-même, et relève de l’exercice légitime de la politique commerciale d’Apple. Elle n’apparaît pas davantage susceptible de constituer l’abus prévu au d) de l’article 102 du TFUE.
Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction préliminaire menée au stade de l’examen des mesures conservatoires qu’Apple aurait, par la décision contestée de mettre en place une sollicitation ATT, poursuivi un objet anticoncurrentiel, pris une décision dépourvue de justification objective ou disproportionnée, ou mis en œuvre une pratique susceptible d’avoir potentiellement un effet anticoncurrentiel.
S’agissant plus particulièrement du traitement différencié entre le recueil du consentement de l’utilisateur pour les services publicitaires d’Apple et celui des services publicitaires tiers relevé par les saisissantes l’Autorité a estimé, au stade préliminaire d’examen des mesures d’urgence, qu’il ne résultait pas des éléments produits au dossier qu’Apple appliquerait, en imposant la sollicitation ATT aux acteurs souhaitant pouvoir recourir au suivi de l’activité des utilisateurs sur les sites tiers, un traitement plus rigoureux que celui qu’elle s’appliquerait à elle-même pour des traitements similaires. L’instruction de la saisine au fond permettra toutefois de s’assurer que ce traitement ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle, notamment en ce qu’il produirait de la part d’Apple une forme de discrimination ou de « self-preferencing ».
Considérant qu’aucun fait dénoncé par les saisissantes n’était susceptible en l’état des éléments produits aux débats, de constituer une pratique anticoncurrentielle, l’Autorité a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par les saisissantes sans qu’il y ait lieu de vérifier si les autres conditions requises par l’article L. 464-1, alinéas 1 et 2, du code de commerce étaient en l’espèce remplies.
1https://www.vox.com/recode/2020/6/22/21299398/apple-ios14-big-sur-privacy-wwdc-2020
Origin of the case | Interactive Advertising Bureau (IAB), Mobile Marketing Association France (MMA), Union des entreprises de conseil et achat media (UDECAM), Syndicat des Régies Internet (SRI) |
---|---|
Decision |
|
Legal ground |
|
Company(ies) involved |
|