Santé

L’Autorité de la concurrence émet un avis défavorable sur le projet de décret instituant un code de déontologie des infirmiers.

infirmiers

L’essentiel

Saisie par le ministère de la santé, l’Autorité de la concurrence émet de fortes réserves sur plusieurs dispositions du projet de code de déontologie des infirmiers, rédigé par l’Ordre national des infirmiers.

Le projet de code de déontologie retient souvent les dispositions les plus restrictives des codes de déontologie des autres professions de santé, dispositions que l’Autorité de la concurrence ou le Conseil avant elle avaient déjà pointées à l’occasion d’avis antérieurs. Or, compte tenu du besoin croissant de soins à domicile lié au vieillissement de la population et au développement des soins ambulatoires, il existe pour les infirmiers libéraux une opportunité pour développer leur activité. Le code de déontologie des infirmiers, qui constitue une innovation dans ce secteur, plutôt que d’être fidèle à des rédactions du passé, devrait s’adapter aux réalités et à l’avenir de la profession pour le bénéfice tant des patients que des professionnels. L’Autorité émet donc une série de recommandations pour faciliter l’exercice libéral de la profession d’infirmier tout en respectant les impératifs nécessaires de santé publique.

Une concurrence à encourager

Profession de santé la plus représentée en France (500 000 infirmiers selon les données de l’Ordre National des Infirmiers), les infirmiers exercent à plus de 80 % sous statut salarié et à 16 % sous forme libérale. Néanmoins, la part des infirmiers libéraux tend à croître compte tenu de l’augmentation des soins à domicile et des perspectives de rémunération plus élevée.

Les tarifs de tous les actes des infirmiers étant conventionnés, il n’y a pas de concurrence par les prix. La concurrence ne peut donc s’exercer que sur d’autres paramètres. Il est donc important que les rares espaces de concurrence existants (les modalités d’exercice de la profession) puissent être maintenus afin que de nouveaux entrants, comme les jeunes diplômés, puissent animer le marché et développer de nouvelles offres de soins aux patients. Or, le projet de décret soumis à l’Autorité contient des restrictions de concurrence importantes qui ne sont pas justifiées par des objectifs de santé publique.

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE L’AUTORITÉ

  • Supprimer la mention relative à la baisse des honoraires

Le projet de décret interdit aux infirmiers d’abaisser leurs honoraires. Or, les infirmiers étant quasiment tous conventionnés par la Sécurité sociale, ils sont privés de toute liberté tarifaire. Cette interdiction pourrait donc être supprimée car non pertinente.

  • Permettre aux infirmiers de communiquer sur leur spécialité

Les infirmiers, comme les autres professionnels de santé, ne sont pas autorisés à faire de la publicité. Seule la communication des noms, adresse du cabinet, coordonnées et horaires est autorisée via notamment les annuaires. En revanche, les infirmiers ne peuvent pas communiquer sur leur diplôme de spécialité. Or, cette information permet au patient d’optimiser son choix. Elle constitue même un des rares éléments permettant aux infirmiers de se distinguer dans un secteur où les prix, les actes et l’installation sont entièrement contraints. Aussi, l’Autorité recommande que les infirmiers puissent communiquer sur leur spécialité.

Par ailleurs, elle demande que les supports autorisés pour communiquer soient élargis à Internet, canal incontournable aujourd’hui et pourtant non identifié par les dispositifs autorisés.

  • Assouplir l’ouverture des cabinets secondaires

 L’ouverture d’un cabinet secondaire (en plus du cabinet principal) est strictement encadrée et nécessite l’autorisation de l’Ordre national des infirmiers (ONI). Or, le zonage prévu par la Convention suffit à répondre aux objectifs de bonne répartition des professionnels sur le territoire. L’Autorité estime donc que l’ONI ne serait pas légitime, ni suffisamment expérimenté et neutre pour s’en charger. Elle recommande donc d’assouplir l’actuel régime de contrôle préalable en instaurant un système de simple déclaration d’ouverture de tout cabinet secondaire auprès du conseil régional de l’Ordre compétent afin de favoriser l’installation de cabinets secondaires.

  • Limiter la période de non-concurrence après un remplacement

Il est prévu, pour éviter un détournement de patientèle, qu’un infirmier qui a remplacé un confrère durant trois mois « consécutifs ou non » ne puisse pas le concurrencer durant les deux années qui suivent. Or, la formule « consécutifs ou non » est susceptible d’allonger de manière illimitée la période de référence pour le calcul de la durée des remplacements. L’Autorité propose donc que la formule « consécutives ou non » soit supprimée, ou enfermée dans une période maximale.

  • Permettre le remplacement de plus de 2 infirmiers

Sous couvert de préserver la qualité des prises en charge, le projet de code prévoit également que l’infirmier ne puisse remplacer plus de deux infirmiers en même temps. Mais il n’apparaît pas justifié de procéder par une interdiction a priori de tout remplacement de plus de deux infirmiers. Il est donc suggéré de laisser le choix du nombre de remplacements à la discrétion de chaque infirmier, dans le respect des règles de qualité et de sécurité des soins.

  • Assouplir l’installation géographique d’un cabinet

Il est interdit aux infirmiers de s’installer dans l’immeuble où à proximité immédiate du cabinet où exerce un confrère sauf à obtenir son accord ou celui du conseil départemental de l’Ordre. L’Autorité estime que cette disposition est trop restrictive et recommande d’interdire seulement l’installation à la même adresse que le cabinet d’un autre infirmier avec lequel il aurait été lié par un contrat d’exercice en commun.

  • Augmenter le nombre de collaborateurs par cabinet

Un infirmier ne peut s’adjoindre les services que d’un seul collaborateur libéral. Cette disposition n’est ni nécessaire ni proportionnée aux objectifs de prévention d’une éventuelle dérive commerciale des cabinets. L’Autorité propose que l’infirmier puisse travailler avec plusieurs collaborateurs.

  • Développer le salariat

Il est interdit de salarier des infirmiers, mais également les étudiants infirmiers, aide-soignants, auxiliaires de puériculture ou aides médico-psychologiques. Le régime des infirmiers est ainsi parmi les plus restrictifs des professions de santé. L’Autorité est d’avis de supprimer cette interdiction et invite à mener une réflexion sur l’aménagement d’une relation salariale compatible avec l’ensemble des règles de la profession, et notamment son indépendance.

 

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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