Transports

L’Autorité de la concurrence appelle à davantage de concurrence dans le transport interrégional par autocar, pour faire bénéficier les consommateurs de ce mode de transport économique et offrant de nouvelles dessertes

autocar

Elle soumet à consultation publique ses premières pistes de recommandations, parmi lesquelles une refonte des conditions d’autorisation d’exploitation de lignes

L’Autorité de la concurrence prolonge jusqu’au 24 décembre, à midi, le délai de réponse à la consultation publique qu’elle a lancée sur le transport par autocar, afin de permettre aux acteurs du secteur d’apporter toutes les précisions utiles à leurs contributions.

 


Dans le cadre de l’instruction de l’enquête sectorielle intitulée « Quel avenir pour le transport longue distance par autocar en France ? », l’Autorité ouvre une consultation publique d’un mois afin de nourrir sa réflexion sur un certain nombre de points et de recueillir l’avis des parties prenantes sur ses premières pistes de recommandations.

Elle publie aujourd’hui un document de travail intermédiaire qui fait le point sur le cadre réglementaire du transport interrégional régulier par autocar, présente les grandes caractéristiques de ce marché, décrit les effets potentiels du développement de l’offre de transport par autocar et identifie les obstacles au fonctionnement concurrentiel de ce marché.

S’il présente de nombreux avantages, le transport interrégional par autocar occupe encore une très faible part du transport collectif de voyageurs (environ 2 % du nombre de voyages, essentiellement des liaisons conventionnées), et ce principalement en raison de contraintes réglementaires.


1. MALGRÉ SES NOMBREUX AVANTAGES, L’OFFRE DE TRANSPORT PAR AUTOCAR RESTE TRES LIMITÉE A L’HEURE ACTUELLE EN FRANCE

Les avantages du transport interrégional par autocar

Le développement de l’offre de transport par autocar permettrait de mieux se déplacer sur le territoire et à un coût compétitif, en resserrant le maillage du réseau de transport collectif terrestre. Il permettrait en outre des créations d’emplois, tout en présentant un bilan environnemental positif.

• Des gains de pouvoir d’achat et une diversification de l’offre de transports collectifs, au bénéfice des consommateurs à revenus modestes

Du point de vue des consommateurs, le premier intérêt de l’ouverture du marché du transport interrégional par autocar est la création d’une offre de transport à des prix plus compétitifs que ceux proposés par les autres modes de transport. Par exemple, l’Autorité a pu relever, sur les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers du transport en autocar, qu’en moyenne les billets de train TGV sont deux fois plus cher que les billets d’autocar1.

Malgré un handicap manifeste en termes de temps de trajet, le transport par autocar est susceptible de démocratiser le transport longue distance. Il attire notamment une clientèle ayant un pouvoir d’achat limité (étudiants, seniors, etc.), qui ne voyagerait sans doute pas si le train, l’avion ou la voiture constituaient les seules alternatives. Actuellement, on estime que 20 à 30% des usagers des lignes interrégionales desservies par autocar n’auraient pas voyagé en l’absence d’une telle offre et que plus de 40% des passagers de ces lignes ont moins de 26 ans.

Par ailleurs, on constate une stabilité des prix des billets d’autocar, en contraste avec la variabilité du prix des billets des autres modes de transport avant la date du départ.

• Une offre dense et flexible

Outre cet avantage tarifaire indéniable, l’autocar permet une desserte point à point sans correspondance contrainte par des infrastructures lourdes. Un réseau plus étendu et des villes plus petites peuvent donc être couverts par des lignes régulières d’autocar, à un prix compétitif et accessible au plus grand nombre, contrairement aux trains TGV ou à l’avion.
De plus, l’offre peut s’adapter facilement à la demande des voyageurs, grâce à la souplesse de déploiement de l’autocar.

• Un mode de transport plus complémentaire que concurrent du train

L’autocar vise une clientèle peu sensible au temps de parcours mais fortement sensible au prix, ce qui explique que la concurrence entre l’autocar et le train sur les liaisons interrégionales semble pour le moins limitée. Ces deux modes de transport apparaissent plus complémentaires que concurrents.

• Des gains pour la collectivité

Du point de vue des PME qui souhaiteraient exploiter des services de transport collectif, des flux de trafic bien plus faibles peuvent suffire à soutenir une exploitation financièrement rentable, à la différence de la situation prévalant dans le transport ferroviaire. Des gains en termes d’emploi sont à attendre du développement du marché du transport par autocar.

Un autocar émet en outre moins de GES (gaz à effet de serre) au voyageur/ km qu’un train TGV ou un train Intercités2.

Un marché encore peu développé

Malgré ces atouts, l’offre de services de transport interrégional par autocar représente environ 2% du nombre de voyages longue distance. En comparaison, elle représente de 4 à 5% du nombre de voyages longue distance au Royaume-Uni et en Suède, qui ont libéralisé le marché. Cette offre est encore peu développée en France, alors même que notre pays dispose du réseau routier le plus vaste d’Europe et d’excellentes infrastructures routières.


2. LA PRINCIPALE LIMITE AU DEVELOPPEMENT DU MARCHE DU TRANSPORT REGULIER PAR AUTOCAR EST SON CADRE REGLEMENTAIRE

Le cadre actuel des lignes interrégionales : le « cabotage »

En l’état actuel de la législation, les services de transport interrégional par autocar ne peuvent être mis en place en France que dans le cadre :
- soit du transport « conventionné » (entre des autorités organisatrices et des transporteurs),
- soit du « cabotage », autorisé depuis 2011 (voir encadré ci-dessous). Le droit au cabotage permet aux transporteurs internationaux de fournir, dans une certaine mesure, un service national sur la ligne. Les services de cabotage sont soumis à autorisation préalable et, une fois autorisés, ils doivent représenter moins de 50 % des passagers d’une ligne donnée et moins de 50 % du chiffre d’affaires de cette même ligne.
Exemple de cabotage : un trajet Lille-Paris ou bien Paris-Lyon peut être effectué sur une ligne d’autocars internationale Bruxelles-Lyon via Lille et Paris. L’autocar doit alors être le même de bout en bout de la ligne (aucun changement de matériel roulant n’est autorisé).

La contrainte d’inscription dans une ligne internationale tend à limiter l’offre de transport longue distance par autocar sur certaines parties du territoire, pour certaines communes et populations. Les limitations de chiffre d’affaires et de nombre de voyageurs compliquent également l’activité.


Un régime d’autorisation insatisfaisant

Les offres de cabotage sont soumises à une autorisation préalable du ministère des transports. Celui-ci autorise environ 60 % des demandes d’ouverture de lignes d’autocars. Le critère pour obtenir une autorisation est de ne pas porter atteinte à l’équilibre économique d’une ligne conventionnée, notamment ferroviaire. Les conditions d’attribution de ces autorisations d’exploitation ne sont cependant pas assez précises. 

Le ministère des transports s’appuie notablement sur les avis des AOT (régions, départements) pour accorder ou refuser une autorisation. Or certaines connaissent notamment d’importances carences de données liées aux transports (flux de voyageurs selon les modes de transport et les destinations, coûts des transports et des reports) pour apprécier l’atteinte possible à l’équilibre économique d’une ligne ferroviaire conventionnée. De plus, les points de vue et méthodes d’analyse varient selon les régions.

Dans son document de travail, l’Autorité de la concurrence relève un écart entre, d’un côté, les critères théoriques qui fondent le refus d’octroyer une autorisation d’exploitation d’une liaison par autocar et, de l’autre, la pratique administrative.


3. LES PISTES DE RECOMMANDATIONS SOUMISES A CONSULTATION PUBLIQUE

L’Autorité de la concurrence appelle à une refonte du système d’autorisation administrative

Le défaut de transparence du système actuel est un frein important au développement efficace du marché du transport par autocar. Si le contrôle d’une possible atteinte à des offres conventionnées préexistantes n’est pas illégitime – dans la mesure où il peut répondre à des préoccupations de politique publique et apporter des garanties que des services publics ne seront pas brutalement menacés par l’offre privée – ses modalités doivent néanmoins être revues afin, d’une part, que les critères techniques pris en compte pour accepter ou refuser une autorisation soient plus transparents et, d’autre part, que les choix soient motivés et permettent réellement de démontrer le risque d’atteinte à l’équilibre d’une offre conventionnée.


L’Autorité préconise également la mise en place d’une autorité administrative indépendante en charge d’une régulation sectorielle multimodale intégrée (transports ferroviaires et routiers)


A cet égard, ce contrôle mériterait d’être confié à un régulateur sectoriel spécialisé présentant des garanties d’indépendance et des compétences techniques. 

Ce régulateur serait doté de pouvoirs lui permettant d’accéder à toute l’information nécessaire à l’exercice de son contrôle. La mise en place d’une autorité administrative indépendante en charge d’une régulation sectorielle multimodale intégrée, comprenant au moins les transports routiers et ferroviaires, doit donc être envisagée.

Une telle autorité de régulation sectorielle aurait ainsi un intérêt évident en termes d’accès par les décideurs politiques aux informations liées à l’exploitation des services de transport.

L’opportunité d’un prochain débat parlementaire sur la question

Le projet de loi « de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale » devant être débattu au Parlement propose des évolutions du cadre existant qui vont dans le sens d’un développement de l’offre de transport interrégional par autocar. 

L’Autorité de la concurrence invite le législateur à saisir cette opportunité pour développer davantage les services interrégionaux. Ce projet de loi pourrait aussi être l’occasion de clarifier et d’uniformiser les relations entre offres conventionnées et offres privées en matière de transport par autocar, quelle que soit la distance.

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Plusieurs parties prenantes ont déjà été auditionnées durant l’instruction déjà écoulée, et cette consultation publique permettra de compléter ces informations et d’ouvrir la consultation à toutes les parties intéressées. 55 questions leur sont posées, à tout ou partie desquelles les parties prenantes peuvent répondre par écrit dans un délai d’un mois.

Les parties intéressées ont jusqu’au 16 décembre à 18h00 pour transmettre leurs contributions, par courrier ou bien par mail : Mél
Les contributions ne seront pas publiées. Leurs auteurs (noms des organisations) pourront, le cas échéant, être cités dans l’avis, sauf mention contraire expresse de leur part.

 

 
 

Contexte législatif et réglementaire

 
Depuis les années 1990, le transport international de voyageurs par autocar est ouvert en Europe, sous sa forme actuelle, en application d’un ensemble de règlements européens.

Le règlement européen n°1073/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus a consolidé et amendé ce cadre. Il a ajouté la possibilité pour les transporteurs européens de fournir des services de cabotage, c’est-à-dire pouvant consister en « la prise en charge et la dépose de voyageurs dans un même État membre au cours d’un service régulier international, (…) pour autant que ladite prise en charge et dépose ne constitue pas l’objet principal de ce service ».

En cohérence avec ce règlement, l’article 38 de la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports donne la possibilité aux autocars d’effectuer des transports de personnes entre deux points du territoire national, dans le cadre de services internationaux réguliers.

Le décret n°2010-1388 du 12 novembre 2010 a fixé la procédure applicable et précisé notamment les conditions d’autorisation.
 
 

(1) Par exemple, sur la liaison Paris-Lyon, le prix d’un billet aller retour de TGV peut aller de 96 euros à 186 euros, d’après la méthodologie de relevé de tarifs utilisée par l’instruction, quand le prix d’un billet aller retour en autocar sur la même liaison varie entre 47 et 62 euros pour Eurolines et entre 70 et 78 euros pour iDBUS.
(2) Etude ADEME 2008, cf. § 201 du document de travail.



> Document de Consultation publique : "Quel avenir pour le transport longue distance par autocar en France ?"

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Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
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