Grande consommation

Autorisation sous conditions au rachat de 100 magasins Bio c' Bon par Carrefour

fruits et légumes

L’Autorité reconnaît pour la première fois l’existence d’un marché des produits « bio » ou biologiques.

Elle autorise le rachat de 100 magasins Bio c’ Bon par Carrefour, sous réserve de la cession de 8 magasins.

Le groupe Carrefour a notifié le 21 septembre 2020 à l’Autorité de la concurrence un projet d’acquisition de 100 magasins exploités sous enseigne Bio c’ Bon. L’opération fait suite à une procédure de liquidation judiciaire qui avait été ouverte par le tribunal de commerce de Paris au bénéfice du groupe Bio c’ Bon. L’Autorité avait accordé, le 13 octobre 2020, à titre exceptionnel, une dérogation (voir encadré) permettant au groupe Carrefour de procéder à la réalisation de l’opération de rachat, sans attendre la décision finale d’autorisation, qui vient d’être rendue par l’Autorité.  
 

Les parties à l’opération

Carrefour et Bio c’ Bon sont deux groupes de distribution de produits à dominante alimentaire actifs sur l’ensemble du territoire national.

Le groupe Carrefour distribue des produits dits « conventionnels » (c’est à dire qui ne sont pas biologiques ou « bio » selon l’appellation courante), mais également des produits biologiques, au moyen notamment de ses enseignes d’hypermarchés, de supermarchés et de magasins de proximité. Elle exploite également un réseau de magasins spécialisés dans la distribution au détail de produits biologiques, sous les enseignes So’Bio et Carrefour Bio.

Le groupe Bio c’ Bon est spécialisé dans la distribution au détail de produits biologiques à travers un réseau de 120 magasins sous enseigne Bio c’ Bon situés sur l’ensemble du territoire national.
 

L’approvisionnement et la distribution de produits issus de l’agriculture biologique

Les entreprises concernées par l’opération de concentration sont simultanément actives dans le secteur de la distribution de produits à dominante alimentaire et, plus particulièrement, dans la distribution de produits à dominante alimentaire issus de l’agriculture biologique.

Pour la première fois, l’Autorité a reconnu l’existence de marchés des produits biologiques, en identifiant à la fois un marché de l’approvisionnement et un marché de la distribution de produits à dominante alimentaire issus de l’agriculture biologique. Elle s’est ensuite, après une instruction fouillée et nourrie notamment par un sondage auprès des consommateurs, prononcée sur la structure concurrentielle de ces marchés.

S’agissant des marchés amont de l’approvisionnement, l’Autorité a identifié un marché spécifique de l’approvisionnement en produits biologiques. Elle s’est fondée, pour ce faire, sur l’existence de filières d’approvisionnement dédiées, de modes de production spécifiques, et sur l’existence de certifications et de cahiers des charges contraignants pour les produits biologiques.

S’agissant des marchés aval de la distribution, les résultats du sondage effectué dans le cadre de l’instruction de l’opération auprès de consommateurs, couplés aux divers indices recueillis au cours de l’examen (notamment les différences de prix et les différences qualitatives entre les produits biologiques et les produits conventionnels), ont mis en évidence l’existence d’un marché spécifique de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire issus de l’agriculture biologique.

La distribution de ces produits biologiques est assurée principalement par deux grands circuits : d’une part, les magasins généralistes (hypermarchés, supermarchés, supérettes, magasins de libre-service et magasins de maxi-discompte, plus communément désignés comme grandes surfaces alimentaires ou « GSA ») ; d’autre part, les magasins spécialisés dans la distribution de produits biologiques (« GSS »). Ces derniers sont aujourd’hui très importants dans les ventes de produits biologiques, car ils représentent 83 % des ventes de produits biologiques en France.

Les éléments recueillis par l’Autorité au cours de son instruction ont permis de démontrer que la distribution par le circuit GSS présente des spécificités importantes par rapport au circuit GSA, notamment en termes de prix, de gammes et de caractéristiques des produits, ainsi que de profondeur de l’assortiment. Les consommateurs de produits biologiques se rendant en GSS, interrogés par le biais d’un sondage, ont indiqué qu’ils ne reporteraient pas leurs achats de produits biologiques en GSS vers les GSA, en cas de hausse de prix au sein des GSS.

L’Autorité a en conséquence conclu à l’existence d’un marché distinct de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire issus de l’agriculture biologique restreint aux GSS, marché sur lequel les activités des parties se chevauchent compte tenu de la présence de Carrefour par le biais de ses enseignes Carrefour Bio et So’ Bio.
 

L’Autorité a pu écarter tout problème de concurrence résultant de l’opération pour le marché de l’approvisionnement en produits « bio »

Compte tenu des parts de marché modérées des parties sur le marché de l’approvisionnement au niveau national, l’Autorité a considéré que l’opération n’était pas susceptible de renforcer de façon significative la puissance d’achat de la nouvelle entité vis-à-vis des fournisseurs de produits biologiques.  Après avoir consulté les  fournisseurs des parties dans le cadre d’un test de marché, l’Autorité a également constaté que l’opération ne les plaçait pas dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la nouvelle entité.
 

Des risques d’atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution de produits  « bio » détectés dans 10 zones de chalandise

À l’issue de son analyse, l’Autorité a en revanche considéré que l’opération soulevait des risques d’atteinte à la concurrence dans quatre zones de chalandise entourant les magasins rachetés à Paris (situés rue de Cléry, rue de Bourgogne, rue Lecourbe et rue du Poteau) et dans six zones situées hors de Paris (Levallois-Perret, Nancy, Puteaux, Toulouse rue des Frères Lion, Toulouse rue Paul Vidal et Toulouse rue Rémusat).

Dans ces zones, l’opération était susceptible d’atténuer l’animation concurrentielle compte tenu de la position de la nouvelle entité à l’issue de l’opération, et risquait d’entraîner des hausses des prix ou un appauvrissement de la diversité de l’offre au détriment du consommateur.
 

Carrefour s’est engagé, pour résoudre les problèmes de concurrence identifiés, à céder 8 magasins

Afin de remédier à ces préoccupations de concurrence, Carrefour s’est engagé à céder, à un ou plusieurs concurrents, huit magasins Bio c’ Bon ou Carrefour, situés dans ces zones. Ces engagements permettront de réduire les parts de marché de la nouvelle entité à un niveau raisonnable et permettront aux enseignes concurrentes de renforcer leur présence ou de s’implanter dans les zones concernées et, ainsi, d’exercer une concurrence plus efficace sur la nouvelle entité.



Les repreneurs présentés devront être agréés par l’Autorité, qui s’assurera qu’ils seront à même de constituer une offre alternative crédible en matière de distribution de produits biologiques sous format GSS, dans chacune des 8 zones concernées. Un mandataire indépendant agréé par l’Autorité s’assurera de la mise en œuvre de ces engagements de cession.

Les magasins concernés par les cessions sont les suivants :

Zone(s) concernée(s) Enseigne Adresse
Levallois-Perret Bio c’ Bon ou Carrefour Bio Bio c’ Bon : 64, rue Rivay et 52, rue Paul Vaillant Couturier Ou Carrefour Bio : 30, rue Gabriel Péri
Nancy Bio c’ Bon ou Carrefour Bio Bio c’ Bon : 37-41 rue Saint Georges Ou Carrefour Bio : 47 rue du faubourg des trois maisons
Paris Cléry Bio c’ Bon Bio c’ Bon : 15 rue de Cléry
Paris Lecourbe et Paris Bourgogne Bio c’ Bon Bio c’ Bon : 18-24 rue Lecourbe
Paris Poteau Bio c’ Bon Bio c’ Bon : 60 rue du Poteau Ou Bio c’ Bon : 229 rue Championnet
Puteaux Bio c’ Bon Bio c’ Bon : 104-112 rue de la République
Toulouse Lion et Toulouse Rémusat Bio c’ Bon Bio c’ Bon : 23 rue des Frères Lion
Toulouse Paul Vidal et Toulouse Rémusat Bio c’ Bon Bio c’ Bon : 7-13 et 35 rue Saint-Jérôme / 13-23 rue Paul Vidal

Qu'est-ce que la dérogation à effet suspensif ?

Si la réalisation effective d'une opération de concentration ne peut intervenir qu'après l'accord de l'Autorité de la concurrence, dans certaines circonstances exceptionnelles, dûment motivées par les parties, l'Autorité peut octroyer une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation effective de tout ou partie de l'opération sans attendre la décision d'autorisation et ce afin de permettre la poursuite de l’activité.

L'octroi d'une telle dérogation est, par définition, exceptionnel. Une dérogation peut notamment être accordée dans le cas où des offres de reprise ont été présentées sur des entreprises en liquidation ou redressement judiciaire, comme c’était le cas en l’espèce.

L'octroi d'une dérogation par l'Autorité ne préjuge toutefois en rien de la décision finale prise à l'issue de l'instruction.

Cession de magasins à l’occasion d’une opération de concentration : quels objectifs, quelles modalités ?

Les cessions de magasins qui font l’objet des engagements servent à maintenir un dynamisme suffisant de la concurrence au plan local.

Leur objectif est de permettre la reprise des magasins et de leur activité par une enseigne concurrente afin de maintenir l’animation concurrentielle dans la zone concernée et ainsi garantir aux clients une offre diversifiée en prix et en produits. Le processus de cession de magasins fait l’objet d’un examen attentif par l’Autorité dans les mois qui suivent la décision autorisant l’opération. Le titulaire de l’autorisation doit proposer à l’Autorité des repreneurs qui sont aptes à assurer une reprise dans de bonnes conditions de validité, ces repreneurs devant ensuite exercer une concurrence effective. C’est au terme de l’examen de ces repreneurs qu’un agrément peut être délivré par l’Autorité, ce qui autorisera la cession effective du magasin en cause.

Ces cessions ne signifient donc pas fermeture des magasins, mais reprise avec changement d’enseigne.

Contact(s)

Yannick Le Dorze
Yannick Le Dorze
Adjoint à la directrice de la communication
Imprimer la page